Les accords de Minsk et la déroute occidentale dans le Donbass

La récupération de Delbatsevo par les milices populaires de la République Populaire du Donbass a été possible parce que l’armée ukrainienne a refusé de se battre contre sa propre population. C’est un revers très sérieux pour le gouvernement de Porochenko et aussi pour les dirigeants de l’Union Européenne, des Etats-Unis, de l’OTAN. Les éléments de l’armée régulière, qui étaient envoyés dans le Donbass par Kiev, ont rencontré une opposition très ferme de la part de la population de l’Est de l’Ukraine. (voir les témoignages en fin d’article).

La fédération des républiques populaires du Donetsk et de Lougansk existe depuis avril 2014 et s’organise et mène une résistance acharnée pour affronter les forces militaires du gouvernement issu du coup d’Etat de Kiev de février 2014. Tandis que les medias commémorent le premier anniversaire de ce qu’ils appellent « la révolution de Maidan », les gouvernements européens ne se montrent pas du tout triomphants. Et pour cause : tout d’abord ils n’ont pas réussi à retourner leur « opinion publique » contre la Russie, ensuite toutes les sanctions décrétées contre elle se retournent en fin de compte contre eux-mêmes, les privant de débouchés et d’accords économiques dont ils auraient grand besoin pour « relancer » l’économie européenne profondément déprimée. Et enfin, l’Otan connaît un grand échec de son « partenariat avec l’Ukraine », puisqu’elle n’est pas parvenue à reformater l’armée ukrainienne pour lui faire servir ses propres objectifs de guerre contre la Russie.

C’est dans les environs de Delbatsevo que l’avion XXXXX  avait été abattu et les forces spéciales militaires de Kiev avaient attaqué et repris la région – ce qui leur avait permis de récupérer tous les débris de l’avion et en même temps d’évacuer les éventuelles preuves des responsables des tirs qui ont abattu l’avion. Delbatsevo est également une place importante pour les milices populaires du Donbass.

Mais le plus important dans cette récupération de la région, c’est que les bataillons de l’armée régulière  ukrainienne envoyés là n’ont pas voulu se battre et ont « voté avec leurs pieds » pour reprendre la célèbre phrase de Lénine en 1917, quand les soldats russes refusaient de continuer la guerre. L’Etat major militaire de Kiev ne leur faisait déjà pas confiance et les faisait encadrer par la  « garde nationale » créée par les gouvernements issus du coup d’Etat de Maidan et composée en grande partie des anciennes milices fascistes, à la fois policiers et militaires. Et quand Obama et les militaires américains parlent du besoin de fournir des armes plus lourdes à l’armée ukrainienne, ce n’est pas à l’armée régulière qu’ils pensent mais bien à cette garde nationale fasciste et anti-russe à outrance.

Entretemps dans la république populaire du Donbass, la population compte ses milliers de morts et de maisons détruites, et fait la juste comparaison entre la situation de 2015 et sa résistance au nazisme et à ses alliés ukrainiens de la guerre 1940-1945. Au travers des expressions de « nostalgie de l’époque soviétique »  les gens expriment leur conscience aigue que les « oligarques » ukrainiens et les capitalistes européens ou américains n’ont rien à faire de la démocratie, ni des revendications de la population ukrainienne, du nord au sud, mais qu’ils ont agi et continuent à agir uniquement pour défendre les intérêts économiques et politiques de leur petite clique de riches.

Le témoignage de Victoria Shilova, députée du Conseil régional de Dniepropetrovsk

« Je m’appelle Victoria Shilova. Je suis leader du mouvement ‘Antiguerre’ et députée du Conseil régional de Dniepropetrovsk. Je veux dire à tous ceux qui ont engagé contre moi des poursuites pénales pour le ‘sabotage’ de la mobilisation, je confirme : moi, Victoria Shilova, et notre mouvement Antiguerre, nous sommes CONTRE la mobilisation, contre le massacre des populations civiles, nous ne voulons pas que des soldats ukrainiens continuent à mourir, contre tout ce chaos et l’arbitraire sans limite, contre cette effusion de sang qui se déchaînent voilà déjà plusieurs mois sur le territoire de ma chère mère-patrie.

Je voudrais vous poser une question : si vous considérez que la mobilisation est légitime, pourquoi alors l’état de guerre ou l’état d’urgence ne sont-ils pas déclarés comme l’exigent la Constitution et la législation ukrainiennes ? (…) Pourquoi à ce jour l’état de guerre n’a pas été déclaré ? Je vais vous dire pourquoi : parce qu’ils perdront tout crédit, et parce que ceux qui sont aujourd’hui au pouvoir seront officiellement désignés comme criminels de guerre. Notre mouvement et nos sympathisants dénoncent depuis longtemps le fait que le pouvoir [en Ukraine] est aux mains des criminels de guerre. Et je suis convaincue que ce pouvoir se retrouvera sur le banc des accusés.

Après la boucherie sanglante dans le Donbass, cette guerre fratricide qu’ils ont déclenchée, il ne peut en être autrement. C’est ainsi [sur le banc des accusés] que se terminera leur parcours politique. La mobilisation est illégale. Elle n’est pas seulement illégale, elle est également anticonstitutionnelle et criminelle. (…)

Aujourd’hui c’est la loi de la jungle qui règne en Ukraine. Ce nouveau partage du pouvoir a plongé l’Ukraine dans un bain de sang. Les pouvoirs en place savent parfaitement que s’il n’y a plus de guerre, ils disparaîtront en moins de deux semaines. En ce moment même des bataillons montent sur Kiev, mais l’armée ne veut plus faire la guerre, non pas parce qu’elle est moralement abattue, mais parce qu’elle ne veut pas combattre son propre peuple. (…)

Le pouvoir actuel en Ukraine s’appelle « oligarcat ». L’oligarcat assassin s’est emparé du pouvoir en Ukraine. C’est pourquoi, je confirme, je suis contre la mobilisation, je suis pour la vie, pour l’Ukraine, pour le peuple ukrainien, peu importe où il vit. Quant aux [personnes au] pouvoir, elles seront reconnus coupables de crimes de guerre, et se retrouveront sur le banc des accusés de la Cour pénale internationale de La Haye. Nous en serons témoins. »

* Dniepropetrovsk, 3e ville d’Ukraine, située au centre du pays

Extrait de la video « Les Ukrainiens résistent » (ReseauVoltaire 11 février 2015)