L’Argentine après la victoire électorale de la droite

Le nouveau gouvernement de Macri cherche précipitamment à casser les progrès acquis par le peuple. La venue au pouvoir de Macri et de la droite en Argentine a exacerbé les conflits sociaux. Macri a certainement compris qu’il ne sera pas facile d’accomplir son sale travail en faveur de l’oligarchie et des multinationales (surtout les secteurs financiers), qui prétendent s’emparer du « trésor » public et privé accumulé pendant la période « kirchnériste ».

Les masses ont conscience des tâches qui les attendent : riposter ponctuellement à chacune des provocations de Macri et, en même temps, développer une meilleure capacité et efficacité politique du mouvement qui s’est constitué avec les différents gouvernements Kirchner. Des assemblées massives se tiennent dans les parcs et les places, et sont un stimulant pour une discussion et une pratique de relations sociales qu’il faut poursuivre dans chaque quartier, chaque école, chaque lieu de travail, dans tout le pays.

Les licenciements massifs, surtout dans les secteurs publics, qui ont lieu maintenant, visent à réduire le poids que les travailleurs ont acquis dans la société au cours de ces dernières années. Le gouvernement de droite avance comme un bulldozer, au moyen de décrets d’urgence, favorables à l’oligarchie et la bourgeoisie agraire, aux société multinationales et aux propriétaires des plus grands medias. En même temps, il réprime la contestation sociale, comme le montre le cas de la dirigeante indigène Milagro Sala (du mouvement Tupac Amaru de Jujuy) , qui est la première prisonnière politique de Macri.

Milagro Sala

Milagro Sala en détention depuis le 16 janvier 2016

En tout cas, le gouvernement cherche à générer un climat de terreur par lequel il veut décomposer le FpV (Front pour la Victoire) et profiter de la faiblesse de ses alliances en province avec de vieux caciques péronistes et syndicaux. Certains d’entre eux sont déjà passés au « macrisme » ou réclament de la modération, certains députés et sénateurs tergiversent sur la nécessité de convoquer d’urgence le parlement et une partie importante de la bureaucratie syndicale est disposée, une fois de plus, à se rendre.

Macri, démontrant sa servilité, cherche à gagner la confiance du gouvernement US et de la droite continentale. Le gouvernement US le félicite, le FMI le célèbre, On l’invite à Davos. Bien qu’il ne soit qu’un médiocre politicien, il est présenté comme le chef de la restauration de l’ordre, du remboursement des « fonds vautours », de l’écrasement du processus d’unification de l’Amérique Latine. L’offre de remboursement du gouvernement aux fonds d’investissement dépasse même les attentes des spéculateurs ! Macri sait bien que sa force vient de ces soutiens internationaux et que sa politique n’a pas un grand avenir aux yeux de la société argentine.

La gauche d’Argentine fait partie de la nouvelle gauche anti-impérialiste d’Amérique Latine

La lutte contre le « macrisme » est une tâche qui concerne tant le FpV et la gauche argentine, que toute la gauche latino-américaine. Le laboratoire social et politique construit par Chavez, Kirchner, Morales, Correa, Ortega, Lula, avec la participation cubaine, est soumis à rude épreuve. La chute des prix de l’énergie et autres matières premières à échelle internationale empêche de poursuivre la politique expansive, il faut se préparer à une attaque ouverte de la part de l’impérialisme. La résistance en Argentine, comme au Venezuela ou au Brésil doit s’unifier et assumer un caractère latino-américain et anti-impérialiste.

Le nouveau parlement vénézuélien, largement dominé par la droite veut faire annuler les principes constitutionnels de la révolution bolivarienne, qui ont instauré de puissants contrepoids et moyens de contrôle aux différentes fonctions du pouvoir. Il est soutenu en cela par la grande finance mondiale alliée à l’oligarchie locale. Ces forces réactionnaires n’auront aucun scrupule à se soustraire à ces contrôles par tous les moyens. En Argentine, Macri  rencontre une forte opposition à la chambre et au sénat, mais il a déjà acheté plusieurs parlementaires qui lui ont permis de surmonter cet obstacle.

On voit les limites de ces contrôles institutionnels instaurés par les gouvernements de gauche : tant que la bourgeoisie et la banque internationale gardent la mainmise sur des parts importantes de l’économie de ces pays, elles finissent quand même par réussir à détourner ces contrôles, à se réorganiser.

Les directions politiques de la gauche sont face à la nécessité d’un bond qualitatif. Pendant toute ces dernières années de gouvernements progressistes, les masses ont élevé fortement leur capacité de contrôle, d’appropriation, de participation sociale. Maintenant il s’agit de déployer au maximum toutes ces potentialités et construire une structure politique latino-américaine beaucoup plus participative et anti-impérialiste. Il faut former des cadres révolutionnaires avec cette conception, faire des réunions et de grandes assemblées continentales.

La classe ouvrière doit intervenir avec audace pour diriger la société et montrer sa capacité à remplacer la bourgeoisie. Jusqu’à présent, le contrôle ouvrier et la récupération des usines abandonnées ou fermées par les patrons ont permis d’empêcher la disparition de certains secteurs productifs. Le contrôle ouvrier, dans la plupart des cas, a réglé des questions syndicales, garanti les salaires et l’emploi, mais n’a pas permis d’affirmer le rôle de la classe ouvrière comme dirigeant de la société.

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Cristina Kirchner et Daniel Scioli

Le kirchnérisme a subi une défaite électorale, mais maintient un énorme potentiel social et politique

La défaite électorale de Scioli (le candidat péroniste aux élections présidentielles) a compliqué les tâches du FpV et de la gauche argentine, mais c’est un processus transitoire. Pendant ces douze années de direction kirchnériste, de grandes expectatives et potentialités sociales sont apparues, en même temps que d’importantes contradictions économiques et politiques. Le FpV a dû faire des alliances au plan électoral qui se sont révélées des obstacles quand il fallait aller plus loin sur le plan économique et social. Le FpV a montré son manque de préparation et ses insuffisances, alors qu’il pouvait compter sur une immense mobilisation sociale, sur la disponibilité généreuse de la jeunesse, sur une politisation de la population qui a touché les coins les plus reculés du pays. Il n’a pas été capable de donner confiance à des couches importantes de la petite-bourgeoise qui ont senti les hésitations des dirigeants kirchnéristes face aux adversités des conditions économiques internationales et les risques de régressions dans la politique de progrès sociaux établie antérieurement par le kirchnérisme.

Malgré les grands progrès sociaux et politiques réalisés antérieurement, les secteurs de gauche ne sont pas parvenus à se débarrasser des vieux dirigeants bureaucrates du Parti Justicialiste , des syndicats et des gouvernements régionaux  qui ont continué à s’enrichir et à défendre des intérêts personnels opposés à la politique de Cristina Kirchner.

Mais le mouvement de soutien au kirchnérisme se maintient presque intégralement. On l’a vu dans l’immense manifestation qui a salué Cristina lorsqu’elle a quitté la Présidence. Plus de 700.000 personnes ont occupé les places et les rues de Buenos Aires pendant toute une journée et une nuit. Les réactions des travailleurs aux premières mesures de Macri d’attaque contre la Loi sur les Medias, contre la politique de droits humains, et de licenciements de masse ont été fulgurantes. La classe ouvrière ne se sent pas battue. Elle sent qu’elle n’a pas eu la possibilité d’entrer en lutte à cause de ce blocage de la bureaucratie syndicale.

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Manifestation contre la Loi sur les Medias

Il faut transformer le Front Pour la Victoire en un Front pour la Révolution, en un instrument qui organise l’intervention des masses  et la formation des cadres qui doivent aller jusqu’au bout des mesures politiques progressistes acquises jusqu’à présent. Il ne faut accepter aucun recul des nationalisations. Au contraire, il faut les étendre et les renforcer par le contrôle ouvrier et les intégrer à un programme de développement répondant aux besoins de la population. La grande expérience accumulée par les travailleurs pendant les années péronistes, et les dernières années « kirchnéristes » doit être mise au service du processus de transformation sociale de tout le continent latino-américain.

20 février 2016

De notre correspondant Posadistashoy.com

 

Les progrès réalisés pendant les années Kirchner

  • Le nombre de travailleurs est passé de 6.300.000 à 12.600.000 entre 2002 et 2015. En 12 ans l’emploi a doublé.
  • Le pouvoir d’achat des salariés a triplé depuis le début des gouvernements Kirchner.
  • La politique des droits humains est parmi les plus avancées du monde. Toutes les lois « d’amnistie » envers les grands tortionnaires et leurs serviles laquais ont été annulées et ceux-ci restent et meurent en prison. Par ailleurs, les commanditaires, les personnages puissants de l’oligarchie et de la grande bourgeoisie argentine, qui se sont enrichis grâce au régime de terreur, défilent à présent devant les juges.
  • Le soutien gouvernemental aux techniques de pointe pour identifier les restes humains, trouvés dans les fosses communes ou dans les lieux de tortures, grâce à l’ADN a aidé à cautériser la profonde blessure infligée à la société argentine. Les gens sentent que de nombreuses demandes des familles des disparus ou des enfants volés sont prises en compte et respectées.
  • L’étatisation de secteurs importants de l’économie qui avaient été privatisés dans l’euphorie néolibérale inaugurée par la dictature civico-militaire, les restrictions des exportations de produits de l’agriculture de l’oligarchie et de la bourgeoisie agraire, l’intervention importante de l’Etat dans la production et la distribution : tout cela a conduit à une importante redistribution des richesses en faveur des secteurs populaires, à une réduction du pouvoir de la réaction et à la démocratisation du pays.
  • La restructuration de la dette publique. Nestor Kirchner a assumé la présidence du pays alors en défaut de paiement, incapable de faire face à une dette immense auprès des banques internationales. Des accords ont été établis avec 93% des investisseurs. L’attitude ferme du gouvernement de Cristina a permis de regagner fierté et dignité face à la spéculation internationale. Seulement 7% des investisseurs, ceux des « fonds vautours » de la petite oligarchie financière n’ont eu de cesse de chercher la chute du gouvernement.