Leçons de Grèce : continuer la lutte contre l’austérité pour des transformations sociales dans toute l’Union Européenne

CONSTRUIRE LE FRONT DE GAUCHE EUROPEEN AVEC CE PROGRAMME !

La Grèce reste un centre où s’est exprimée la persévérance des masses de toute l’Europe dans la lutte pour la dignité humaine et leur résistance aux prédateurs de la clique capitaliste européenne – qui ne sont pas seulement allemands, mais également français, britanniques, espagnols, italiens, maîtres de grands ou de petits Etats de la zone euro – ainsi que états-uniens. Ceux qui ont cru pouvoir écraser impunément la population grecque vont recevoir un terrible boomerang en retour, car tout le monde se rend compte que ce sont les masses de toute l’Europe qui sont attaquées.

Lorsque Tsipras a décidé le 13 juillet 2015 de dire Oui aux créanciers européens, il a obtenu une majorité au parlement, grâce aux voix de la droite. 39 députés de Syriza avaient voté contre et 3 ministres ont démissionné. C’est une sérieuse crise politique pour Syriza. Avant ce vote parlementaire, un plenum de Syriza avait déjà exprimé une importante opposition aux positions de la direction d’Alexis Tsipras.

Au cours de ces négociations avec les eurocrates, les délégués du gouvernement grec ont trop compté sur leur propre capacité de négocier et de manœuvrer entre les contradictions des autres gouvernements européens. Ils pensaient que le poids des « 61% de NON du peuple grec » serait suffisant pour arracher des concessions, pour gagner du temps, et pour obtenir une restructuration de la dette publique. Ils ont trop peu compté sur la détermination des masses grecques et sur leur mobilisation, ils n’ont pas organisé ni encouragé les prises de position de la population, en assemblées populaires, pour qu’elles se prononcent à chaque instant sur chaque moment des négociations avec les dirigeants européens. Ce n’est qu’après sa démission que le ministre des finances Yanis Varoufakis a rendu publiques toutes les discussions avec l’eurogroupe, la Commission etc. C’est de toute façon un acte très important d’avoir lancé ainsi une nouvelle méthode de discussion : fin de la diplomatie secrète ! Syriza aurait dû faire de même pour discuter avec la population grecque et face à tous les mouvements de solidarité européens, le Plan A, le Plan B, ou le Plan C.

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Malentendus sur « le peuple grec » et « la démocratie »

Lors des élections de janvier 2015, Syriza est devenu le premier parti politique en Grèce. Il a obtenu 36,5% des voix (avec une abstention de 35% du corps électoral). Il a aussi utilisé un « truc » de ladite démocratie grecque en se voyant accorder 50 députés supplémentaires d’office en tant que premier parti. Même ainsi, Syriza n’avait pas la majorité absolue au parlement.

Lors du referendum, le NON a obtenu 61,5% des voix des votants. Il y avait 40% d’abstentions. Parmi les 2 millions de Grecs vivant à l’extérieur, seuls ont voté ceux qui étaient retournés dans le pays. On ne peut donc pas dire à la légère que « le peuple grec » a voté pour le NON. Ces chiffres ne diminuent pas l’importance politique historique des ces deux votes, mais cela nous oblige à mesurer mieux les forces sociales réelles des différents secteurs et classes de la société grecque qui se sont mobilisés.

La classe ouvrière a voté massivement pour le NON et désobéi aux consignes absurdes du KKE et des directions syndicales de voter Oui et Non en même temps, donc d’annuler le bulletin de vote. C’est un fait très important, mais la classe ouvrière n’est pas tout le « peuple » grec. Le NON était également la consigne de vote de l’extrême droite et du centre droit de ANEL.

La petite bourgeoisie, les classes dites « moyennes », ont voté autant pour le OUI que pour le NON et pour l’abstention. Dans ce referendum, la classe ouvrière n’a pas pu montrer toute sa capacité sociale à entraîner le reste de la population.

La décision du gouvernement Tsipras d’organiser ce referendum fut une sorte de remplacement de cette nécessité d’organiser les forces qui avaient porté Syriza au gouvernement. Une grande partie des camarades dirigeants de Syriza se font encore beaucoup d’illusions sur la « démocratie européenne ». Mais ils sentaient également que « les 61% pour le NON », comprenaient une part de « l’opinion publique » moins ferme qu’il ne pouvait y paraître. Ils ont eu peur devant la responsabilité historique de rompre ces négociations avec les eurocrates et dans le petit groupe de délégués grecs ceux qui voulaient défendre des positions plus fermes ( le Plan B) se sont retrouvés en minorité.

Il n’y a pas de doute par ailleurs, que les pressions de l’OTAN ont été terribles, avec des menaces de guerre civile, de coup de force militaire, d’actes terroristes de la part des fascistes d’Aube Dorée. Ces pressions étaient d’autant plus actives qu’elles se transmettaient au travers de l’allié de Syriza au gouvernement, ANEL, qui détient des postes clé, comme celui du Ministère de la Défense.

La crise actuelle n’est pas seulement due à un manque de programme : avant les élections, Syriza soutenait un programme contenant beaucoup de mesures contre le capitalisme, de transformations sociales du pays, il posait même de rompre avec l’OTAN, de bloquer les privatisations, de contrôler les banques, de faire des programmes de développement industriel et agricole, d’entreprendre des relations économiques avec la Russie et les pays de l’ALBA, des programmes de soutien aux populations les plus pauvres du pays.

Mais pendant les 5 premiers mois de gouvernement, ils ont mis très peu ces programmes en application, en attendant beaucoup des négociations avec la troïka. Même s’il y avait déjà un « plan B » pour préparer une sortie partielle de l’euro, celui-ci se discutait en petits comités : les alternatives possibles n’ont pas été débattues avec la population, les travailleurs de tout le pays, dans des congrès de Syriza, dans des actions de front unique avec les autres partis de gauche, les mouvements sociaux, les syndicats.

Il a manqué en Grèce ce que le gouvernement bolivarien du président Chavez a mis en œuvre dès le début : organiser les missions, les conseils populaires, la participation active des ouvriers, des paysans, des étudiants à l’organisation de l’économie, pour changer les institutions corrompues, nettoyer l’armée. Mais c’est un fait que la Grèce ne vit pas non plus la même situation que le Venezuela. La Grèce est intégrée depuis 40 ans dans l’Union Européenne, membre de l’Alliance Atlantique depuis 1952, dépendant totalement de l’euro, sans richesses nationales importantes, ayant comme tous les autres Etats membres de l’UE abdiqué sa souveraineté nationale et, en plus, dans une position géopolitique stratégique entre l’UE et la Russie.

Il n’est pas juste de crier à « la trahison » ni à la « capitulation »

Crier maintenant à la « trahison » ou à la « capitulation » de la direction de Syriza et du gouvernement de Tsipras est injuste. Cette crise de Syriza est aussi une crise au sein de toute la gauche européenne dans et hors de l’eurozone , tant de la social-démocratie que des mouvements communistes. Dans tous les pays il y a eu et il y a encore constamment des mobilisations, des initiatives de nombreux secteurs de la population, des paysans aux prolétaires intellectuels ou manuels, de la petite bourgeoisie qui s’appauvrit rapidement. Il existe dans le monde « réel » une profonde révolte qui unit la majorité des gens contre les mesures d’austérité des politiques capitalistes. Le même cri de « OXI » retentit dans tous les coins de cette Europe.

C’est pour cela que tout le monde avait les yeux braqués sur l’exemple des masses pauvres de Grèce qui ont porté Syriza au gouvernement. Et maintenant tout le monde a reçu le coup sur la tête avec le passage si rapide du gouvernement de Tsipras du Non au Oui. Mais rien n’est perdu pour autant. Tirons les leçons de la Grèce au lieu de chercher des « coupables » et des « traîtres », comme le fait le Parti Communiste Grec et beaucoup de camarades dans les autres pays européens, déçus face à la situation difficile qui se présente maintenant.

Un front unique européen avec un programme minimum commun contre le capitalisme

Une des leçons à tirer de Grèce, c’est comment passer du gouvernement de gauche à un pouvoir de gauche. Pendant toutes ces semaines tumultueuses, ce qui a le plus manqué c’est la préparation d’un contre-pouvoir des travailleurs et des secteurs les plus exploités et marginalisés de la population. Et d’autre part, c’est l’absence d’une plate-forme commune dans les autres pays de l’eurozone et de l’UE, pour accompagner et faire siennes les luttes de Grèce : un front unique de gauche, des partis, mouvements sociaux et syndicats revendiquant des mesures immédiates contre l’austérité. Isolément, il devient chaque fois plus clair qu’aucun pays d’Europe ne peut se libérer seul. L’idée de pouvoir assurer un progrès économique et social en sortant de l’euro, en soutenant la « souveraineté nationale » avec la collaboration des capitalistes « nationaux », est aussi illusoire que de croire à la volonté démocratique des eurocrates, de l’eurozone ou de l’UE, qui sont les pantins des multinationales et de l’OTAN.

Dans chaque pays, la majorité des populations souffre les conséquences de la crise capitaliste et refuse de payer pour elle. Il faut un programme minimum commun à tous les travailleurs et les masses exploitées. Même en ayant des niveaux de vie inégaux d’un pays à l’autre, il y a des revendications minimales que l’on peut défendre ensemble : un salaire minimum européen, l’indexation des salaires en fonction du coût de la vie, la retraite à 60 ans pour tous, la réduction générale du temps de travail à 35-32 heures par semaine, la défense et l’extension des services publics , la création sous contrôle des travailleurs d’entreprises publiques européennes, un plan de développement économique, industriel et agricole européen sous contrôle ouvrier et populaire, la désobéissance aux exigences de l’OTAN, la réduction drastique des budgets militaires et la reconversion de l’industrie militaire en industrie utile aux gens.

Les Posadistes.