La libération de Lula au Brésil : un moment historique !

Le vendredi 7 novembre 2019, la Cour suprême a pris une décision sans précédent en appliquant la Constitution de 1988, si souvent violée par les institutions judiciaires, qui stipule que « nul ne sera déclaré coupable avant que le jugement définitif n’ait été rendu » (Article 5 – LVII). A la majorité des légalistes, la Cour suprême a corrigé la violation de ce principe constitutionnel autorisant l’arrestation, comme dans l’affaire Lula et plus de 5000 personnes arrêtées illégalement. Après le vote de la Cour suprême qui a garanti la libération immédiate de ceux qui se trouvaient dans cette situation, dont Lula, la liberté n’est revenue que le lendemain, alors que les parlementaires au pouvoir protestaient, voulant garder Lula en prison jusqu’à la fin de sa vie, même s’il n’y a pas de crime.

On sait déjà que ce procès contre Lula et le Parti des Travailleurs n’était rien de plus qu’une arnaque mise en place par la police fédérale, les procureurs et les juges du « Lava Jato » (nettoyage express) formés par la CIA, avec l’appui du système rentier et de l’élite brésilienne, pour l’empêcher de mener une vie publique et garantir l’accès de ces secteurs à une politique ayant pour objectif l’abandon complet de la souveraineté nationale.

Sans le moindre scrupule, cette politique du gouvernement fasciste de Bolsonaro se développe sans aucune réaction de la part de la bourgeoisie nationale, de l’armée, des institutions publiques et de la société. Les réactions de l’opposition, des secteurs progressistes et de la gauche, ont également eu peu d’effet pour freiner et repousser ces mesures de reddition. Les auteurs intellectuels de ce projet, comprenant la fin des universités publiques, la réforme du travail, la privatisation des secteurs de base de l’économie, la réduction des budgets publics, l’augmentation de milliers de chômeurs et de la misère, voyaient en celui-ci un modèle. Ce projet criminel a pourtant prouvé son échec dans le cas du Chili qui se soulève de façon légitime, en Argentine avec Macri ou en Équateur avec Lenin Moreno. C’est le même modèle que Paulo Guedes veut adopter avec le Projet de société brésilienne.

Lula a passé 580 jours dans une cellule isolée de la prison de Curitiba, le plus souvent à l’écart de ce qu’il aimait vraiment faire : être en contact avec les gens dans la rue, à l’écoute de leurs angoisses, de leurs besoins et de leurs idées, la complicité avec les gens simples pour nourrir son projet politique de développement le plus important d’un pays où la majorité pauvre pouvait avoir la garantie d’accéder à une répartition équitable des revenus et à des conditions de vie décente. C’est ainsi que Lula a dirigé deux mandats consécutifs à la présidence de la République, dont il est parti avec une approbation record de 87%. Le désespoir de l’élite n’a fait que grandir jusqu’à couper les ailes de cette politique qui voulait rendre justice aux pauvres et qu’il fallait absolument stopper. Dans ces 15 mètres carrés de prison, Lula a profité de ce moment pour réfléchir et préparer l’avenir. « Tôt ou tard, je sortirai d’ici, ce sera comme la chute de la Bastille« , disait-il et il a cherché à acquérir plus de connaissances à travers les livres et a reçu des visites de dirigeants et de grandes personnalités du monde qui venaient lui témoigner leur solidarité, mais aussi lui demander conseil.

Lula a préparé ainsi sa sortie de prison. Malgré les provocations de droite, les menaces du gouvernement local, les partisans de Lula ont résisté et assuré sa sécurité, en montrant leur soutien tous les jours en lui souhaitant un « bonjour ou bonsoir Président Lula ! » C’est devenu une sorte de mot de passe démontrant que Lula n’était pas seul. Il a reçu l’affection d’une grande partie de la société, de tous les coins du pays, avec un grand nombre d’activités politiques – meetings, assemblées, débats, réunions – et ce « bonjour, bon après-midi ou bonne nuit » sont devenus un moyen de l’honorer et de faire en sorte qu’il soit présent à travers ses idées. Toute cette affection a été partagée par des lettres et des messages qu’il a reçus par l’intermédiaire de ses avocats et de sa famille.

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Lula a surpris tout le monde par sa force. Il est sorti de prison rajeuni et déterminé, comme l’a montré le ton de son discours « nous devons résister à ce gouvernement de droite« . Il a notamment attaqué ses bourreaux, Rede Globo, Moro et Dallagnol, ainsi que la partie pourrie de la police fédérale, de l’armée, du ministère public et des médias, dans le cadre d’une stratégie astucieuse appelant à l’intervention de l’autre partie. Il a terminé son discours littéralement dans les bras du peuple, où les ouvriers du pétrole et les travailleurs de la FUP lui ont organisé un cordon humain pour le protéger contre tout risque d’attaque.

Il faut rappeler que le coup d’État a commencé en 2014 avec la défaite du PSDB aux élections, qui avait déjà conçu de placer le Brésil dans un agenda néolibéral. Sa construction s’est déroulée à partir du Congrès, des médias, puis de la justice et du marché financier, créant ainsi un processus dévastateur de politique économique qui se poursuit aujourd’hui.

La reprise promise n’est pas venue, les emplois n’ont pas été rétablis et ne le seront pas tant que cette politique demeurera. En ce sens, le rôle du « Lava Jato » était crucial pour la destruction des industries brésiliennes : plus de 51 000 entreprises touchées étaient tributaires des sous-traitants provoquant des milliers de chômeurs. Cette attaque subie par l’État brésilien a été menée d’une part par un groupe de procureurs, représenté par Sergio Moro et Dallagnol, agissant de manière criminelle au service des intérêts de l’élite brésilienne alliée au capital international, qui se livrent au chantage, à l’extorsion, à la coercition, dans le but d’imposer un programme extrêmement conservateur. D’autre part il y a le groupe gouvernemental dont le représentant politique, Jair Bolsonaro, s’est allié à des milices lourdement armées qui menacent ses opposants.

Le programme de la commission comprend plusieurs crimes, comme le meurtre de la conseillère municipale Marielle Franco, et détient toujours toute une population d’otages. Bolsonaro a un autre allié que sont les églises évangéliques qui font partie, à quelques exceptions près, de la pègre du crime, utilisant le blanchiment d’argent et l’extorsion de fonds. Le pouvoir de ces personnes est si puissant que ni la police ni le système judiciaire ne peut condamner cette famille déjà si souvent dénoncée pour corruption.

C’est dans ce scénario d’horreur au Brésil, comme au Chili, en Équateur et maintenant en Bolivie, que Lula va devoir se préparer à l’une des tâches les plus difficiles. Conscient de son rôle en tant que dirigeant régional important, et avec l’aide d’autres dirigeants latino-américains, il devrait articuler la formation d’une coordination latino-américaine pour contenir les échecs de cette politique. Lula a exprimé sa préoccupation, remerciant Alberto Fernández d’Argentine d’avoir contribué à l’un de ses rêves : la reprise de l’intégration de l’Amérique Latine. Avec Lula libre, les conditions sont réunies pour une réorganisation des forces pour mener l’affrontement contre la politique, l’économie et les atteintes à la démocratie au Brésil et en Amérique Latine, produites par des forces ayant intérêt à exploiter les richesses de ces pays.

 

Posadistashoje – 10 novembre 2019