L’attentat contre Charlie Hebdo est le « 11 Septembre français »

L’attentat terroriste contre Charlie Hebdo et les massacres qui ont suivi de la part du groupe se réclamant de Daesh et de Al Qaida Yémen, ont été comparés au 11 septembre 2001 de New York. Il y a certainement des similitudes, mais aujourd’hui nous sommes dans un contexte de crise beaucoup plus grave encore dans le camp capitaliste et dans un processus de guerres généralisées. Comme en 2001, lors de l’attaque contre les tours de Manhattan, il s’agit d’un acte fabriqué de toutes pièces pour désigner comme responsable le groupe Etat Islamique et Al Qaeda, et justifier de nouvelles escalades dans la guerre contre l’Irak et la Syrie de la « coalition des volontaires » formée sous l’égide de l’Otan, auxquelles on peut déjà ajouter la Libye et le Yémen. En 2001 aussi, quelques semaines après le 11.9 les Etats-Unis envahissaient l’Afghanistan et obtenaient progressivement l’engagement de l’Otan et divers pays partenaires dans ce bourbier où ils se trouvent toujours. Qu’est-ce que tout cela a à voir avec « la défense des valeurs de la République », de la liberté d’expression, de la liberté de presse!

Le président François Hollande a lancé un appel solennel à l’union nationale et à des manifestations silencieuses et sans drapeaux, et invité à celle du 11 janvier à Paris une cinquantaine de chefs d’état et des responsables de l’Otan: rien à voir non plus avec la défense de la liberté d’expression quand on a vu défiler les dirigeants d’Arabie Saoudite, du Qatar, du Koweït, des Emirats, de Turquie, d’Israël, de Jordanie… mais beaucoup à voir avec la guerre au Moyen Orient.

 

Le gouvernement français a bien profité de l’émotion, des peurs de la population, suscitées par le massacre à Charlie Hebdo. Toute la situation, et en particulier la manifestation du dimanche 11 janvier, fut l’objet d’une grande manipulation. Le premier appel à une grande mobilisation  le samedi 10, avait été lancé par le Front de Gauche, les Verts et un secteur du Parti Socialiste. Mais François Hollande l’a court-circuité en organisant des entrevues avec tous les courants politiques, de gauche comme de droite, pour cette « union nationale » du dimanche, en convoquant une marche silencieuse sans drapeaux ni consignes de partis, pour défendre « les valeurs de la république – Egalité Liberté , fraternité »- comme une tentative de retrouver un certain crédit politique. D’ailleurs, les chefs d’état présents à Paris le dimanche, n’avaient vraiment rien à voir avec ces « valeurs ».

Entretemps les télévisions et les medias bourgeois manipulaient intensément l’opinion publique en multipliant les fausses histoires, les amalgames, toutes les bonnes raisons de « mener la guerre au terrorisme ». Les mesures qu’ils sont en train de prendre vont à l’encontre de ces « valeurs » qu’ils prétendent défendre: des mesures d’exception, contrôle de l’internet, contrôle des personnes, un quasi état de siège, 10.000 militaires dans les rues, suspension du programme de réduction des forces armées, augmentation de 425 millions des budgets de la police et de l’armée, possibilité de revenir au service militaire, intervention militaire plus importante au Moyen Orient, possible deuxième intervention militaire en Libye.

Les mobilisations étaient à la fois d’une ampleur exceptionnelle dans toute la France et d’une grande ambigüité, les pensées les plus divergentes s’exprimaient derrière « Je suis Charlie ». Beaucoup de gens ont refusé de manifester derrière les chefs d’état assassins invités par le président Hollande, d’autres ne voulaient pas afficher « je suis Charlie », car ils étaient en désaccord avec la politique de cet hebdomadaire. Et maintenant, nombreux sont ceux qui posent des questions sur les causes politiques d’un tel événement: quelles conclusions tirer du colonialisme ? De la guerre d’Algérie ? Pourquoi les ventes d’armes de la France qui alimentent ces groupes dits radicaux ? Sortir de l’Otan, stopper ces guerres et ouvrir la discussion sur les raisons de ces guerres (pillage des matières premières, main mise sur le pétrole etc.), des questions sur la nécessité d’une autre politique économique, sociale et culturelle, sur le manque de démocratie, les inégalités entre les citoyens, sur les réelles valeurs de la République, sur l’impasse à laquelle mène cette union nationale de façade.

On peut franchement parler de perte de contrôle de la part du gouvernement français. La situation interne est complètement pourrie. En plus des Verts, 3 ministres PS ont déjà quitté le gouvernement pour leur désaccord avec sa politique et mènent des actions aux côtés du Front de Gauche. Les socialistes ont perdu la moitié des villes lors des dernières élections municipales, et les prévisions pour les prochaines élections sont catastrophiques, ce sera probablement la droite et surtout l’extrême droite qui vont l’emporter.

La population a mené des luttes très importantes contre les dernières lois imposées par le nouveau ministre de l’économie, Macron – un homme de droite, qui vient du milieu bancaire -, des lois visant à une dérégulation encore plus forte du Code du travail, et un démantèlement plus important des services publics. Un vent de rage se lève de tous côtés. Les villes se battent l’une après l’autre contre leur étouffement par les plans d’austérité.  Les gens se mobilisent contre les projets de construction insensée d’un aéroport, ou celle d’un barrage , et la mort d’une jeune manifestant contre ces projets a soulevé tout le pays.

Il y a un important mouvement de soutien à Syriza, avec des meetings et des discussions qui mettent en question le régime capitaliste, il y a aussi toute une mobilisation contre le Traité Transatlantique qui est discuté en grand secret dans les bureaux de l’Union Européenne, plus d’un million de personnes dans 7 pays européens ont exigé un débat public sur cette question .

Le gouvernement socialiste français mène une politique suicidaire, offrant un boulevard aux forces les plus droitières du pays. Dans les quartiers populaires, où les habitants d’origine musulmane sont nombreux, et où le chômage atteint un  niveau insupportable, il y a une situation explosive car la seule réponse donnée aux problèmes sociaux par le gouvernement c’est le mépris et la répression.

Le discours du gouvernement sur « l’ennemi intérieur » vise à développer des lois ultralibérales, imposer des mesures économiques en faveur des grandes entreprises, casser les services publics, restreindre encore plus les droits démocratiques au moyen d’actions judiciaires à effet immédiat et de la création du « délit d’opinion ». Nous sommes dans un pays où l’on peut interdire l’enterrement d’un bébé Rom, où l’on peut expulser de leur logement des citoyens algériens qui travaillaient en France depuis de longues années, sans possibilité de retour.

La gauche montre de grandes faiblesses dans cette situation. Le PCF défend la liberté d’expression de ses amis de Charlie Hebdo, mène quelques débats sur la république sociale, contre la politique de guerre et contre les interventions impérialistes en Irak, en Libye, en Afrique, ouvre des espaces de débats dans son journal pour une autre conception de la société, mais son intervention reste fort limitée, car il ne situe pas les problèmes en fonction de la lutte de classes. Mais la crise est telle qu’elle oblige à se mobiliser. Les plans de la bourgeoisie et de ce gouvernement en France ne vont pas pouvoir s’imposer comme ils l’espèrent et la seule issue pour eux c’est la guerre, mais cela, les gens n’en veulent pas.

20.1.2015