Au referendum du 23 juin 2016 au Royaume Uni : ni OUI (In) ni NON (Out) à l’Union Européenne – voter pour l’Europe Socialiste

Le gouvernement britannique de David Cameron appelle à un référendum dans tout le Royaume Uni, c’est-à-dire l’Irlande du Nord, le Pays de Galles, l’Ecosse et l’Angleterre. Le public britannique doit décider s’il veut rester dans l’Union Européenne (‘in’) – ou bien en sortir en votant ‘out’.  
Il y a déjà eu un tel référendum en 1975 sous le gouvernement Travailliste de Harold Wilson. Ce dernier faisait campagne pour rester dans l’Union Economique Européenne (EEC) alors que le Ministre Travailliste Tony Benn et la centrale syndicale (TUC) s’y opposaient. Il est important de se souvenir que 52% de l’électorat s’est alors abstenu ; et que le vote de 67% pour rester dans « l’Europe » n’était en fait que 67% des 48% qui ont voté. La classe bourgeoise déclarait que le vote en faveur de l’Europe était de 67%, mais en fait, il était en-dessous de 34% ! 

Les choses ont changé aujourd’hui, car c’est le Parti Conservateur qui appelle au référendum, et c’est le Parti Travailliste dirigé par Jeremy Corbyn qui conseille de voter pour rester dans l’Union Européenne (EU). Corbyn recommande aussi l’unification des luttes en Europe. Il a beaucoup participé à l’expérience Syriza, par exemple, et il n’est pas sans importance que Varoufakis soit l’un de ses conseillers politiques et amis. 

Pour mieux comprendre le contexte de l’article ci-dessous « Ni OUI ni NON à l’UE : Luttons pour l’Europe Socialiste », il faut noter que les dirigeants conservateurs britanniques du ‘non’ comme Gove, Grayling, Duncan Smith, Jenkins, Fox, Villiers, etc., s’insurgent contre leur dirigeant de parti (Cameron) et contre le gouvernement de leur propre Parti. Ces opposants disent que le Royaume Uni doit quitter l’UE pour ne plus être soumis à la règle européenne du libre mouvement des personnes. Celui-ci, selon eux, provoque une immigration inacceptable vers le Royaume Uni. Ils rejettent tous les Traités et règlements européens et réclament le droit du pays à produire ses propres lois. 

Comme les opposants de David Cameron sont de son Parti et de son gouvernement, la direction Cameron voit sa capacité d’imposer la politique d’austérité aux masses s’affaiblir dangereusement. La résistance du peuple a obligé le ministre des finances Osborne à annuler la réduction des subsides aux salaires les plus bas (Working Tax Credits) – mesure que même la Chambre des Lords a rejetée.
   
Les intérêts économiques autour de Cameron l’incitent à faire campagne pour le ‘oui’. Pour calmer les critiques du ‘non’, il est allé chercher auprès de la Commission Européenne – et a obtenu entre autres – que les allocations chômage et familiales aux ouvriers européens employés au Royaume Uni leur soient initialement refusées pendant 4 ans, et ensuite restituées seulement partiellement. Occupé à déjouer ses ennemis de parti, le gouvernement de Cameron oublie qu’il inspire le mépris, la colère et la haine dans les couches ouvrières et populaires. 

Le référendum a ouvert un grave conflit entre Cameron et le Maire de Londres, Boris Johnson. Les relations entre les dirigeants du parti gouvernemental sont acrimonieuses au point de douter que Cameron puisse rester longtemps en poste. Sentant que sa majorité parlementaire pourrait ne pas durer, il s’empresse de faire adopter une série de lois répressives sur lesquelles tous les Tories s’accordent.

Pétri d’orgueil colonial, rétrograde et dépassé par la lutte des peuples du monde, le Parti Conservateur n’a que peu d’appui social. Il lui reste une capacité financière et militaire, mais celle-ci dépend des Etats-Unis et de l’OTAN. Ce référendum illustre la vacillation au sein de l’OTAN qui secoue la Turquie, l’Ukraine et tous les pays de l’Europe de l’Est autrefois Etats ouvriers (qui faisaient partie du Pacte de Varsovie). Pour les USA, pour l’Union Européenne, et pour l’OTAN en pleine préparation de guerre mondiale, ce référendum éclate comme un coup de tonnerre.
 
Les masses travaillistes et syndicales continuent à s’unir autour de la direction Corbyn. Elles forment des liens nouveaux avec les organisations populaires nationales pour la défense de l’emploi, de la planète et des droits démocratiques. Ainsi la classe ouvrière parvient-elle à contourner partiellement l’obstacle posé par la bureaucratie syndicale et Travailliste. a classe ouvrière accroit son autorité sur la population. La grande grève tenace des médecins ‘junior’ étonne par l’appui que lui donne le public, bien que ce dernier en souffre bien sûr. Contre l’austérité, cette grève est la même que les autres dans le reste de l’Europe, il ne lui manque plus que d’être organisée à l’échelle européenne.
 
L’article ci-dessous propose la perspective de l’Europe Socialiste, avec des éléments de programme européen qui sont devenus envisageables dans la situation actuelle. 

NI OUI NI NON AU REFERENDUM ! LUTTONS POUR L’EUROPE SOCIALISTE !

Le mouvement ouvrier britannique doit proclamer que l’Union Européenne est une vaste multinationale et que ceux qui la dirigent sont l’outil politique des multinationales mondiales, surtout du pétrole, de l’armement et de la finance.

Constituée par les capitalistes les plus puissants d’Europe, la couche qui dirige l’Union Européenne (EU) n’est pas surnaturelle. Elle assume une forme supranationale mais elle n’est autre que les capitalistes de chaque pays. Sentant que les masses s’organisent contre elle – contre l’austérité par exemple – elle prépare des mesures de répression policière et militaire dans chaque pays, et internationalement.

Les antagonismes entre Gove et Cameron expriment le désarroi politique du capitalisme qui a besoin d’unité pour imposer l’austérité au Royaume Uni. D’une façon semblable, les dirigeants de l’UE et de la Banque Centrale ne savent soutenir le capitalisme européen qu’en écrasant les économies les plus faibles, comme la Grèce, alors qu’ils sont eux-mêmes écrasés par la Banque Mondiale, le FMI, les Etats-Unis et l’OTAN.

Au référendum de Juin le vote oui (‘in’) garde le pays dans la grande multinationale européenne  mais le vote non (‘out’) favorise les groupes réactionnaires, anti-immigration et anti-ouvriers britanniques, comme ceux autour de UKIP et de Ian Duncan Smith. La population appelée à voter n’a aucune raison de vouloir servir d’arbitre dans cette  dispute entre les maitres de l’austérité.

Ceux qui dirigent le Royaume Uni et l’UE ne flottent pas au-dessus du capital multinational. Ils en font partie ! Le projet TTIP (ou TAFTA – Traité Transatlantique) n’est pas du tout « imposé » aux négociateurs britanniques. Ces derniers défendent une multinationale ou une autre, mais ils sont tous d’accord contre les masses britanniques, européennes et mondiales. Si le ‘non’ gagne, les négociations TTIP vont continuer, sous une forme plus unilatérale, mais toujours en secret et sans le consentement des gens.

Stop TTIP Angleterre

Certains secteurs de gauche se trompent lorsqu’ils disent qu’il faut voter ‘non’ « pour ne pas appuyer le cartel néo-libéral de l’UE » – comme ils l’appellent. Mais la politique d’austérité, par exemple, ne provient pas de l’UE. Elle provient du fonctionnement du capitalisme qui utilise l’UE comme outil. Ce n’est pas un vote ‘non’ qui est requis, mais la mobilisation anticapitaliste de la classe ouvrière européenne et la transformation socialiste de l’Europe. Le résultat ‘non’ au referendum n’affranchira aucunement le pays de ce cartel. Le Royaume Uni fait partie de ce cartel en tant que pays capitaliste et non en tant que membre de l’UE. Dans la gauche et dans beaucoup de directions syndicales le manque de méthode et de pensée marxiste perpétue un sentiment d’exceptionnalité britannique qui méprise la perspective de l’Europe socialiste.

Les dirigeants conservateurs comme Grayling et Duncan Smith s’en prennent à l’EU par sentiment d’insularité impériale et d’orgueil national, et ceci d’autant plus qu’ils craignent l’approche d’un contrôle étranger sur leurs intérêts et ceux de la Cité de Londres. Leur tendance est de vouloir s’imposer à la finance mondiale avant que celle-ci ne s’impose à eux.  Si le Royaume Uni quitte l’UE, la classe dirigeante britannique va garder son rôle dans toutes les instances multinationales et dans l’OTAN. Le pouvoir capitaliste multinational n’introduit aucune nouvelle forme de propriété. Ceux qui contrôlent ce pouvoir sont peu visibles, mais leur besoin de vendre et d’accumuler le capital les soude aux états nationaux. Leur représentation politique reste donc celle des bourgeoisies existantes, et un vote ‘non’ au référendum n’y change rien.

L’antidote est une Europe mobilisée en faveur d’une économie planifiée qui sert les besoins humains et met fin aux privilèges éhontés d’une petite minorité. Ceci ne peut être fait par la classe bourgeoise. Seuls la classe ouvrière et ses alliés y ont intérêt – et ne pourront le faire qu’en s’unifiant pour la transformation socialiste de l’Europe.

La direction travailliste britannique se rapproche quelque peu de ce but lorsqu’elle propose « une Europe qui n’investit plus dans l’armement, mais pour les réfugiés et l’environnement ». Il faut élargir ce programme à la reconversion des industries de l’armement en Europe et sous contrôle ouvrier.

Dans ce référendum, l’option ‘oui’ suggère que l’on n’objecte pas au ‘cartel néo-libéral européen’ ; mais l’option ‘non’ ne change que la façon dont ce cartel fonctionne. Il est donc nécessaire de déclarer que ce référendum n’est pas un choix. Ce n’est pas un ‘non’ à l’UE qui est nécessaire, mais un ‘non’ au capitalisme. Il faut donc commencer à parler de l’Europe Socialiste.

Il est nécessaire d’appeler à une conférence internationale des syndicats et partis ouvriers européens contre l’austérité. Une telle conférence est également urgente pour appuyer les millions de réfugiés en Europe. Il y a également besoin d’une authentique Centrale Ouvrière Européenne et qui fonctionne. Celle-ci doit défendre le droit des ouvriers européens, des travailleurs extra-européens réfugiés ou immigrés ainsi que ceux du reste de la population européenne. Elle doit attirer l’appui des petits indépendants, professions libérales, agriculteurs en Europe, etc. en défendant leur droit à la vie, leur droit d’exprimer leurs besoins, et leur droit à l’espace politique dont ils ont besoin pour résoudre leurs problèmes.

L’Europe socialiste ne peut venir d’un seul coup. Il faut la construire dans le même processus qui avance contre le système capitaliste de plus en plus incapable, inhumain et exsangue.

Ni ‘oui’ ni ‘non’ n’est pas une abstention. Camarades : Intervenons !

Posadiststoday.com – 23.2.2016