Pour affronter le gouvernement Temer : lutte, résistance, unité et franc débat à gauche

Les putschistes se sont bien trompés s’ils pensaient réaliser leur putsch sans résistance. Une nouvelle étape de la lutte de classes s’ouvre dans le pays. Quelles en sont les caractéristiques ? En premier lieu pendant les années des gouvernements de Lula et Dilma, la classe la plus pauvre a pu constater qu’il est possible d’obtenir un minimum de droits sociaux et d’emplois.

L’augmentation du salaire minimum, les programmes pour une agriculture familiale, le programme Lumière Pour Tous, la réelle possibilité pour les pauvres de fréquenter les universités avec le droit à des quotas pour les Noirs et les Indiens, les cours techniques, le programme Science Sans Frontière, la Bolsa Familia, avec toutes ses interfaces vers des programmes d’inclusion des enfants dans les écoles et les plans de santé, le programme Plus De Médecins, l’inclusion des domestiques dans le droit au travail, le programme Ma Maison, Ma Vie : ce sont des conquêtes qui restent dans la conscience des masses.

Tel est le patrimoine politique des gouvernements Lula et Dilma. Cependant il s’agit d’une conscience dispersée car ces conquêtes n’ont pas été accompagnées d’une organisation de parti, d’une organisation sociale et syndicale qui pouvait être une force pour contrecarrer le coup. Principalement parce que la gauche n’a pas construit un media de portée nationale qui aurait pu faire contrepoids au monopole privé de l’élite du pays. Jamais dans l’histoire de l’humanité les medias n’ont assumé un rôle aussi important qu’en ce moment. La gauche a cru que les moyens de communication de la bourgeoisie seraient complaisants envers le gouvernement. Mais ceux-ci, à la première occasion, ont exprimé toute leur haine de classe contre le projet progressiste. Aujourd’hui les medias ont plus de pouvoir que les partis, tant de droite que de gauche. Ils sont une partie intégrante et fondamentale du putsch.

Il faut clarifier le concept de ‘conscience’

Il ne s’agit pas seulement d’avoir conscience d’une inclusion sociale dans la consommation, mais aussi conscience de la nécessité de défendre un programme de développement dont le point cardinal est la souveraineté nationale. La gauche au gouvernement s’est adaptée à un modèle basé sur les revenus de l’industrie agricole et pétrolière, elle reste le souffle coupé à la suite de la baisse des prix des minerais et du pétrole. Alors que ce qui est nécessaire est une économie qui refuse un bas niveau d’investissements intérieurs, qui refuse les taux d’intérêts avec d’énormes volumes d’ exonérations fiscales qui affaiblissent tout budget public. Actuellement l’économie utilise 45% de son budget pour payer la dette publique. On n’a pas eu la capacité de réaliser un audit sur la dette publique qui se trouvait pourtant dans la Constitution de 1988. On n’a pas eu l’intelligence de réaliser une véritable réforme agraire. On n’a pas eu l’audace de réglementer les médias qui se sont transformés en un des principaux acteurs du coup.

Nous devons être attentifs au fait que le gouvernement putschiste de Temer cherchera à se consolider en faisant une sélection dans son programme. Dans l’immédiat, il n’appliquera pas un programme de régression des droits sociaux élémentaires, contrairement à Macri en Argentine qui a provoqué de grandes mobilisations des masses populaires en lançant un programme néolibéral. Le gouvernement ne va pas se risquer immédiatement au retrait de certaines conquêtes sociales. Par exemple, il vient d’élever le pourcentage de réajustement de la Bolsa Familia, il maintient le programme « Ma Maison Ma Vie » dans sa partie bénéfique à la classe moyenne, mais il n’achèvera pas le programme en tant que tel. Il doit reculer quant à son projet d’en finir avec le Ministère de la Culture. Il vient de renouveler pour trois ans les contrats du programme Plus de Médecins, sous la pression des gouverneurs d’Etats qui se retrouveraient sans médecins en pleine année électorale.

En réalité, ce qui intéresse le gouvernement putschiste de Temer c’est de maintenir le contrôle de la banque centrale et, par ce moyen, d’appliquer une politique de transfert brutal de bénéfices vers les élites au travers du maintien de taux d’intérêts élevés, au moyen de manœuvres autour du change du dollar, au travers de transactions monétaires qui échappent au sens commun, à la compréhension de la population, au moyen de transactions sur nos réserves de pétrole du pré-sal, et affaiblir Petrobras dans un programme de privatisation, tout cela au nom de la lutte pour assainir l’entreprise. Ces mêmes arguments ont été utilisés à l’époque du gouvernement de Fernando Collor (FHC).

Un autre point qui les intéresse – et qui est un crime de lèse-patrie – c’est le « PEC 241 » qui prétend congeler pendant 20 ans le budget, ce qui signifie des coupes sombres dans l’éducation et la santé. Un autre objectif des putschistes est de mercantiliser les terres, les eaux et les minerais stratégiques.

Maintenant qu’ont surgi des preuves solides contre leurs alliés, politiciens du PSDB et parlementaires du PMDB, les putschistes veulent stopper l’opération Lava-Jato qui fut montée pour combattre le PT et les entrepreneurs qui étaient engagés dans un programme de développement du pays et démonter l’industrie nationale stratégique.

Les intérêts en jeu autour du gouvernement de Temer ne vont pas permettre de rompre certains accords comme par exemple ceux avec la Chine. S’ils ont la possibilité de tirer de l’argent dans des investissements liés à ces accords, ils le feront vu que derrière chaque investissement la corruption va continuer, celle-ci étant inhérente au système capitaliste.

Politiquement ils vont chercher à déconstruire les BRICS même si, théoriquement, ils pourraient obtenir de l’argent à leur Banque. Ils vont continuer dans cette ligne, du fait de leurs compromis avec des secteurs réactionnaires des Etats-Unis qui ont comme stratégie pour l’Amérique Latine de détruire tout gouvernement démocratique et populaire adoptant un programme de souveraineté nationale.

Reconquérir un Gouvernement Populaire

Comme l’a dit Lula à Bel Horizonte, lors de la célébration des 30 ans du PT, le parti s’est bureaucratisé, il s’est enfermé dans les cabinets ministériels et s’est coupé des organisations sociales. Le PT s’est converti en un parti de députés, il a minimisé l’importance du rôle des militants et du fonctionnement des noyaux de base. Le Parti a pris ses distances avec ses caractéristiques du début, celles d’un parti ouvrier basé sur les syndicats, qui lui donnait un caractère de classe. De nombreux dirigeants syndicaux ont été absorbés par la machine exécutive, ou se sont installés dans une confortable situation de relations avec le gouvernement dont ils faisaient partie, sans voir la nécessité de mobiliser les différents secteurs des travailleurs pour la défense de leurs droits. Quand y aura-t-il à nouveau un accès libre aux cabinets des ministres ? Uniquement par la reconquête d’un Gouvernement Populaire. Une nouvelle phase de lutte de classes s’ouvre dans le pays. La période des coalitions qui a duré jusqu’à présent est bien finie. Le monde entier est beaucoup plus polarisé que les années antérieures.

Le PT n’a pas eu la capacité de prévoir que la droite, les forces réactionnaires locales et les puissances impérialistes mondiales, n’allaient pas rester passifs devant le renforcement d’un gouvernement populaire et démocratique. Le gouvernement de Lula avait pris des mesures importantes qui ont permis de retarder le déferlement de la crise économique, mais celle-ci s’est aggravée inexorablement. Les medias ont mis le paquet comme jamais auparavant pour discréditer le gouvernement de Dilma. Une fois le putsch accompli, ils ont minimisé la crise et vanté la reprise de la croissance. Pur mensonge médiatique et démagogie parlementaire ! Mais le putsch a été condamné dans le monde entier, y inclus par le Pape François qui a dénoncé la nouvelle dictature et annulé sa visite au Brésil en 2017.

Unité Populaire et programme de transformations sociales

Il faut répondre à l’appel de Lula à l’Unité Populaire autour d’un programme de transformations sociales. Cent mille personnes viennent de manifester dans les rues de Sao Paulo au cri de FORA TEMER ! Dehors Temer ! Les manifestations ne s’arrêtent pas dans les principales villes du pays. La droite est arrivée à organiser un coup de force, mais elle va se heurter à des difficultés énormes pour gouverner, principalement si la gauche se réorganise, se centralise et tire des conclusions de la défaite.

C’est pourquoi il faut revenir à la base, aux usines, dans les mouvements sociaux, les organisations populaires, en abandonnant définitivement la soumission aux échéances électorales. C’est un travail essentiel d’organiser des medias populaires, des journaux, des radios et TV communautaires avec le soutien des administrations et institutions progressistes et des coopératives de gauche. Il faut renforcer les entités syndicales, estudiantines, paysannes. Il faut discuter largement la situation du pays et du monde et présenter des propositions programmatiques spécifiques, unifier les luttes et avancer vers une grève générale pour faire face au démantèlement de l’Etat et des lois favorables aux travailleurs.  Il faut répondre à l’énorme volonté populaire dispersée dans les divers mouvements de rue. La manifestation du 4 septembre à Sao Paulo a mis en évidence l’énorme participation des jeunes et des mouvements sociaux à la recherche d’organismes politiques sur lesquels s’appuyer et développer leur conscience diffuse. Le Front Brasil Popular et le Front Peuple Sans Peur, peuvent jouer un rôle important pour organiser et centraliser toutes ces forces.

Editorial Revolucao Socialista – 11.9.2016