Le gouvernement travailliste dirigé par Keir Starmer a remplacé le gouvernement Sunak en juillet 2024. En 2023 déjà, Starmer avait remporté la course à la direction du Parti Travailliste en feignant mensongèrement d’approuver les points essentiels du programme de Corbyn. Parmi ces points, il s’était engagé à défendre les droits de l’Homme et les droits des migrants.
Starmer fait désormais de l’immigrant une menace pour la sécurité nationale
Ce n’est pas une petite mesure de la crise du capitalisme lorsqu’un pays comme la Grande-Bretagne doit rechercher la « croissance économique » dans un partenariat avec la Chine – pays que le capitalisme britannique vilipende et maintient sous sanctions. Pour tenter de justifier sa politique conservatrice, la direction de Starmer soutient le point de vue d’extrême droite selon lequel l’immigration doit être criminalisée, et non le capitalisme.
Le Reform Party UK d’extrême droite de Nigel Farage domine le discours politique du pays, qui criminalise l’immigration et dénigre l’immigré. En janvier dernier, à Leicester, une ville du Red Wall (Le Mur Rouge -traditionnellement travailliste), Farage a annoncé sur un ton « Trumpien » son projet « to Make Britain Great Again ». L’extrême droite dans le pays gagne du terrain contre les Conservateurs (Tories), et contre les Travaillistes aussi, particulièrement au sein du Mur Rouge. Plus Starmer se présente en tant que patriote, plus l’extrême droite exige de lui de le prouver, ce qu’il fait en s’en prenant aux immigrés. Farage blâme âprement les Tories d’hier, et le gouvernement actuel de Starmer, pour ce qu’il appelle « la crise sécuritaire provoquée par l’invasion incontrôlée de l’immigration », ainsi que l’insuffisance des mesures prises contre ce « flot d’immigrés » parmi lesquels presque tous sont des « illégaux », donc des criminels mais aussi des incapables qui ont échoué dans leurs pays, probablement « des criminels et des djihadistes ».
Starmer le patriote
Immédiatement après son élection, le gouvernement Starmer a trouvé 150 millions de livres sterling pour moderniser la nouvelle force frontalière et rétablir des liens avec l’UE et Frontex. Depuis septembre 2024, 500 000 réfugiés ont été renvoyés en Syrie, dont 200 000 après la chute d’Assad. Starmer promet désormais 84 millions de livres sterling pour des projets au Rwanda, au Nigeria, au Kenya, en Afghanistan et en Syrie, pour tenter de « stopper les migrations à la source ». Mais cette action ne fait que faire ressortir l’impuissance et l’incapacité du capitalisme devant l’ampleur de la destruction et de la destitution qu’il a imposées au monde pour qu’il puisse exister.
Le discours contre l’immigration domine l’actualité britannique depuis des décennies. L’idée selon laquelle l’immigration est encouragée « par la générosité de notre système de prestations sociales » est utilisée pour minimiser la brutalité des coupes dans la sécurité sociale. En 2022-2023, 2,3 millions de personnes au Royaume-Uni ont eu recours aux banques alimentaires. La classe dirigeante incite les moins instruits aux préjugés raciaux et à l’arrogance coloniale. Des groupes d’extrême droite et profascistes marginaux ont attaqué des mosquées et essayé d’incendier des foyers de migrants durant tout l’été dernier, tandis que des compagnies américaines de santé et d’assurance privées prennent discrètement le contrôle de départements entiers du NHS (National Health Service – Service de santé publique du Royaume-Uni).
Dès le 30 janvier 2025, le gouvernement Starmer mettait en marche l’adoption par le Parlement d’un projet de loi sur la sécurité des frontières, l’asile et l’immigration. Cette loi crée de nouvelles infractions pénales liées à l’entrée non autorisée dans le pays, et à la recherche des personnes accusées de trafic de migrants. Elle légalise la création de centres de détention pour migrants déportés par le Royaume-Uni dans d’autres pays. Grâce à des lois antiterroristes modifiées, le gouvernement accorde de nouveaux pouvoirs policiers aux dirigeants pour la sécurité des frontières.
L’annexe 7 de la loi de 2000 sur le terrorisme, désormais mise à jour et modifiée, permet au gouvernement de faire de l’immigration une question de sécurité nationale. Cette loi est aussi utilisée pour sanctionner et proscrire certaines personnalités dans le monde, que ce soit un dirigeant au Venezuela ou le Hamas à Gaza. Pour un manifestant au Royaume-Uni, il devient donc criminel de justifier publiquement – ou de se prononcer par écrit – en faveur d’une personnalité ou organisation étrangère proscrite. Tout appui au Hamas est devenu un acte terroriste. L’objectif est d’obliger le public a entériner les idées du gouvernement ou de se taire. Il est devenu illégal de s’opposer au génocide israélien à Gaza, et surtout, de dénoncer la connivence criminelle du Royaume-Uni dans ce génocide. En vertu de cette même loi, l’écrivain Juif Tony Greenstein a été inculpé en décembre dernier « pour avoir sollicité un soutien en faveur d’une organisation interdite », délit qui peut valoir 14 ans de prison : il avait tout simplement publié un tweet en défense du droit des Palestiniens à résister au génocide israélien.
La loi sur l’Ordre Public de 1986, désormais mise à jour avec amendements, permet d’utiliser les lois anti-terroristes contre les manifestants de Just Stop Oil, Extinction Rebellion ou Greenpeace, dont la préoccupation principale est de défendre la Terre, l’Environnement et le Climat. Mais cette loi s’applique plus largement. Elle a été utilisée le 18 janvier dernier contre la 23e Marche Nationale pour la Palestine à Londres (50 000 participants). Après avoir permis la marche, et laissé une partie des manifestants défiler, la police s’est soudainement déployée pour fragmenter les participants et stopper tout mouvement. Les arrestations ont alors commencé, la police se jetant avec une certaine violence sur l’organisateur en chef de la manifestation Chris Nineham, et sur le dirigeant du Palestinian Solidarity Campaign Ben Jamal. En vertu de cette loi sur l’Ordre Public, ces derniers sont accusés d’avoir « incité les gens à ne pas respecter certaines conditions ». Au total, 77 personnes ont été arrêtées, souvent pour « obstruction », lors d’une marche parfaitement pacifique.
Ces développements annoncent des restrictions inquiétantes aux droits. Dans ce cas-ci, il s’agit d’une grave attaque au droit de prendre parti pour les Palestiniens. La situation est compliquée par l’alignement enthousiaste de Starmer avec les multiples lobbies sionistes du pays et au sein du Parti Travailliste. Il s’agit aussi d’une atteinte au droit de manifester, jusqu’à présent épargné par le Brexit, inscrit dans la loi sur les droits de l’homme de 1998, articles 10 et 11 de la Convention européenne des droits de l’homme.
En décembre 2024, le grand rabbin Mirvis avait accusé la police de ne pas avoir veillé à ce que « les Juifs britanniques se sentent en sécurité suite aux manifestations propalestiniennes qui ont été autorisées (selon lui) près des synagogues de Londres ». Suite aux arrestations dans la manifestation du 18 Janvier, un émissaire du « Board of Deputies of British Jews » (le Conseil des Députés des Juifs Britanniques) a rapporté sur X qu’il venait de rencontrer le commissaire en chef de la police et qu’il l’avait remercié pour son professionnalisme dans la manifestation.
La lutte pour le droit à défendre la Palestine se rapproche de celle de la classe ouvrière pour se libérer de la direction Starmer.
Le désarroi et la faiblesse du capitalisme et de Starmer
En mai 2024, la Haute Cour de justice du pays a statué que « le gouvernement (Sunak) avait agi illégalement » envers la loi sur l’Ordre Public et la loi sur la Police. Dans le texte de ces lois, le gouvernement avait inséré des amendements que le Parlement avait spécifiquement rejetés un an plus tôt. La Haute Cour déclare que le gouvernement n’avait pas le droit « d’utiliser des instruments juridiques statutaires ou des législations dérivées » pour circonvenir le Parlement. En particulier, le gouvernement Sunak – Braveman avait tenté de donner à la police des pouvoirs presque illimités pour mater les rebelles du Climat et de l’Environnement. L’avocate pour l’organisation humanitaire Liberty, Katy Watts, applaudissait la décision de la Haute Cour. Elle déclarait en conclusion : « Ce n’est pas au gouvernement de décider sur quelles causes les gens peuvent protester. Il n’est pas non plus juste que le gouvernement marginalise le Parlement et le public dans la prise de ces décisions. » En conséquence, les charges retenues contre 34 manifestants d’Extinction Rebellion, Just Stop Oil et Greenpeace ont été abandonnées.
Le gouvernement Starmer est complice dans l’utilisation que fait l’Etat de ces lois répressives rétrogrades. Des accusations telles que « incitation à la violence » et « incitation à la haine » sont portées contre les antifascistes qui empêchent les groupes nazis d’incendier des maisons et commerces d’immigrés et d’attaquer des mosquées. Les accusations d’incitation peuvent entraîner de très lourdes peines. Mais elles sont employées trop souvent contre des syndicalistes, ou des personnes comme Tony Greenstein. Qui donc incite au mal ? Le principal coupable est le gouvernement, avec sa rage irrationnelle contre les immigrés, dont le pays a pourtant tant besoin !
Le gouvernement Starmer se sert frauduleusement de l’étiquette travailliste pour une politique contre-révolutionnaire dont la finalité est de mèche avec des nazis comme Netanyahou et Farage. Ce sont les impérialistes et Starmer qui financent et arment le génocide israélien en Palestine. Les propalestiniens sont arrêtés pour « incitation » contre Israël, un délit a présent amalgamé avec l’antisémitisme et travaillé sous les conseils du World Jewish Congress (le Congrès Juif Mondial) qui rassemblait dans ce but ses 36 pays membres à Buenos Aires le 17 Juillet 2024[1]. C’est bien pourtant le gouvernement Starmer qui incite à la haine, contre le Hamas et contre les immigrés, au lieu de s’opposer au capitalisme.
La question palestinienne rapproche les syndicats et la gauche
En Août 2024, un revers important pour l’impérialisme britannique s’est produit lorsque le leader syndical Mick Lynch s’est envolé de Londres pour Belfast afin d’y soutenir la lutte contre des émeutiers nazis qui attaquaient des propalestiniens, des musulmans et des immigrés. Là, il s’est associé au Parti Socialiste Républicain irlandais (ex-INLA), ainsi qu’à la population en émoi, au Syndicat de la fonction publique (PCS) qui s’était mobilisé, et aux représentants du Congrès Irlandais des Syndicats (ICTU). Dans son discours, il a critiqué le nationalisme mesquin qui divise et a proposé le socialisme international ouvrier. Ce n’est pas vraiment la police qui a dispersé les paramilitaires délinquants et leurs alliés royalistes, mais le bloc humain de ces amis qui scandaient « Saleté nazie, hors de nos rues ».
La « Palestine » est la question qui rassemble les différents syndicats entre eux et la gauche. Les dirigeants syndicaux sont réticents, mais tous les syndicats (sauf un) sont a présent affiliés à la Campagne de Solidarité avec la Palestine. En 2023, la Centrale Syndicale Unique (TUC) soutenait la campagne BDS (Boycott Désinvestissement Sanctions) et en 2024 la TUC dénonçait l’Apartheid d’Israël et le génocide à Gaza. La bataille héroïque des Palestiniens pour leur survie est source de volonté pour la classe ouvrière, et une opportunité d’approfondir l’analyse du capitalisme au sein des syndicats.
Les organes traditionnels du pouvoir ouvrier en Grande-Bretagne sont les syndicats et leur centralisation autour de structures travaillistes. Comme dans une corde le travaillisme est composé de brins et de filaments imbriqués. La direction de Starmer représente le courant de l’impérialisme et du sionisme le plus lié à l’OTAN et aux préparatifs de guerre contre la Russie et la Chine. D’autres brins relient entre eux les bureaucraties syndicales et travaillistes – certains plus proches de la classe ouvrière, d’autres plus proches du carriérisme et du pouvoir. D’autres encore représentent des secteurs bourgeois et petit-bourgeois, dont certains proches de la classe ouvrière appuient les Palestiniens, les syndicats, les mouvements antiguerre et antinazis qui grandissent.
La tâche est d’appuyer les tendances propalestiniennes et ouvrières dans l’environnement travailliste, pour aider à une plus grande indépendance du fonctionnement syndical sans que celle-ci ne porte tort à la centralisation politique des syndicats qui existe déjà. Comme les syndicats palestiniens appellent à l’aide, et que les syndicats britanniques y sont sensibles, certains y répondant, il devient plus facile de maintenir une vie politique anticoloniale, anti-impérialiste et antiguerre dans la base ouvrière.
Le fait que la TUC appelle à une journée d’action sur les lieux de travail pour la Palestine le 13 février 2025 montre qu’il devient de plus en plus possible de rapprocher les syndicats entre eux nationalement et internationalement sur une base anti-impérialiste en opposition directe avec la direction pourrie de Starmer. Un internationalisme ouvrier se développe grâce à la ténacité anticoloniale des Palestiniens et de leurs alliés.
Posadists Today, 9 février 2025
[1] https://www.gov.uk/government/news/uk-endorses-new-guidelines-for-countering-antisemitism
Photo de Une : 23e Marche Nationale pour la Palestine du 18 janvier 2025 à Londres avec Jeremy Corbyn à sa tête