Depuis les derniers attentats de Paris, la Belgique serait-elle devenue « la base arrière des djihadistes », et la commune bruxelloise de Molenbeek, « le quartier général des terroristes islamistes » ? Tel n’est pas le « ressenti » des gens. Pour eux, l’insécurité ne provient pas essentiellement des quelques groupes de jeunes, soi-disant « radicalisés » musulmans et véritables fascistes mercenaires de Daech et autres groupes terroristes, mais surtout, du gouvernement de droite de Charles Michel qui adopte des mesures anti-démocratiques et antisociales de plus en plus graves et accroît l’intégration de la Belgique aux coalitions de guerre de l’OTAN.
D’une part, ce gouvernement fait des coupes budgétaires drastiques dans tous les domaines touchant aux services publics, à la sécurité sociale, à l’enseignement, à la vie culturelle et associative, à l’exercice démocratique de la justice, aux revenus des salariés et des petits indépendants. De l’autre, la population est en train de subir un état d’alerte permanent et de payer le prix de la politique atlantiste du gouvernement et de sa participation à toutes les actions guerrières de l’OTAN contre la Syrie, l’Irak, la Libye et autres pays du monde.
Bruxelles alerte 4 : la police applique l’interdit de manifester (photo de G. Lefevre)
Les seuls budgets qui augmentent sont ceux de la police et de l’armée, et le gouvernement Michel présente un « plan stratégique » pour les forces armées belges, qui coûtera des milliards d’euros. C’est encore la population qui devra payer pour financer l’achat de nouveaux avions bombardiers, porteurs de bombes nucléaires « modernisées », ainsi que pour la transformation des militaires belges en sortes de rambos dotés des technologies mortifères les plus sophistiquées.
Le capitalisme belge et européen ne supporte même plus l’arrivée des immigrés du sud de la Méditerranée, alors qu’à des époques pas si lointaines, l’afflux de main d’œuvre « étrangère » lui servait pour maintenir une pression sur la classe ouvrière et le monde salarial en général et pour organiser un dumping social permanent. Le « droit d’asile » et « la libre circulation des personnes » dans l’Union Européenne étaient les étendards de la démocratie et des « valeurs » européennes. Tout cela est en train de s’effondrer et en Belgique les conséquences de cette crise du système capitaliste sont à la fois sournoises et très violentes.
Mettre le pays « en alerte 4 » à Bruxelles, « en alerte 3 » dans le reste du pays, est une mesure répressive démesurée pour contrer une « menace sérieuse et imminente ». Certains dirigeants politiques de la droite qui nous gouverne ont même déclaré que la Belgique, à l’instar de la France, était « en guerre » !
Le problème essentiel que la société belge aurait à surmonter actuellement serait « le danger de la radicalisation des jeunes musulmans » ? Contre ce danger, des milliers de policiers et des militaires seraient le seul rempart ? En réalité, tout ceci est un écran de fumée pour couvrir un programme de répression des mouvements sociaux qui contestent la politique gouvernementale et d’attaques aux droits sociaux, aux droits démocratiques des travailleurs et de la majorité de la population de ce pays.
Le climat de peur est alimenté volontairement avec l’exagération de « la menace terroriste », avec ces déploiements de militaires armes au poing et de tanks dans les rues, avec ces bruyantes et incessantes patrouilles policières, avec la décision de fermer pendant 4 jours toutes les écoles et toutes les stations de métro de Bruxelles et d’interdire tout rassemblement sur la voie publique.
Le gouvernement en a profité pour convoquer d’urgence le parlement et lui faire adopter une série de mesures de restrictions des libertés publiques et privées. Celles-ci ont été votées à l’unanimité des députés, gauche et droite rassemblée dans un subit élan d’union nationale.
Contrairement à beaucoup de responsables politiques, syndicaux et associatifs, la population n’a pas cédé à la panique
« Je suis Molenbeek » (photo de G. Lefevre – site entreleslignes)
Après quelques jours dominés par le déconcertement, les réactions indignées se sont multipliées et la combativité a repris le dessus. Même pendant les journées d’interdiction de rassemblements, plusieurs manifestations et mouvements de grève ont eu lieu. Les associations qui organisaient une importante participation belge de résistance à la COP21 ont trouvé le moyen de manifester, tant en France qu’en Belgique d’ailleurs. Les jeunes de Molenbeek ont appelé à la solidarité et en quelques heures, la place communale était occupée par des milliers de citoyens venus aussi des communes avoisinantes. Une forte mobilisation d’associations pour défendre les droits démocratiques et l’Etat de droit s’est faite au Palais de Justice de Bruxelles. Les protestations contre le vote « contre nature » des partis de gauche en faveur des 18 mesures gouvernementales et de l’union nationale ne se sont pas faites attendre, au sein du Parti Socialiste et des Ecolos et également au PTB.
Dans les organisations syndicales, la pression des délégués et des militants des entreprises a forcé les dirigeants du Front Commun syndical à maintenir le programme des grèves tournantes par région. Celle qui devait se faire dans le Hainaut pendant les jours d’interdiction a eu lieu, bien que de façon limitée. Ce sont là quelques expressions d’une résistance bien plus profonde que ce qui apparaît publiquement.
Sauvegarder l’unité des travailleurs wallons-flamands-bruxellois et lutter ensemble contre l’austérité et la guerre
Manifestation syndicale unitaire à Anvers
Le mouvement syndical doit rester le ciment qui rassemble tous les travailleurs, avec ou sans emploi, avec ou sans papiers, hommes et femmes, jeunes et vieux. Depuis l’avènement du gouvernement Michel, il y a eu des mobilisations énormes, des grèves et actions syndicales incessantes du nord au sud du pays. Elles n’ont pas réussi à déloger ce gouvernement, mais elles l’ont déjà fait reculer sur les mesures d’austérité les plus néfastes qu’il voulait imposer aux travailleurs.
Mais on se rend compte que la marge de la concertation sociale est de plus en plus étroite. Ce n’est pas seulement à cause du virage à droite du gouvernement, mais aussi parce que les parts de la croissance économique à partager se réduisent comme peau de chagrin, la crise ce n’est pas pour tout le monde. Ce n’est pas d’aujourd’hui que les inégalités sociales et économiques s’accroissent de façon vertigineuse, et que les riches sont toujours plus riches et de moins en moins nombreux.
Dans ces conditions, les disputes et les rivalités dans les directions syndicales, entre les centrales, entre le nord et le sud, sont un coup contre les travailleurs, bien plus grave que toute mesure gouvernementale anti-démocratique. Pendant la récente grève des cheminots, le front commun s’est cassé au sommet, mais pas parmi les travailleurs. Et la grève a eu du succès aussi dans la région flamande.
Non seulement le front commun syndical est indispensable entre les différentes organisations, mais plus encore entre le nord et le sud, entre les différentes régions. C’est absurde que des responsables de la FGTB wallonne proposent de nouvelles scissions entre Bruxelles et la Wallonie.
Il manque une plate-forme commune de revendications pour accroître le contre-pouvoir syndical face aux organisations patronales du pays. Mais il y a aussi un désintérêt pour le sort des travailleurs des autres pays d’Europe et des pays au sud de la Méditerranée qui arrivent en masse en Europe et en Belgique, fuyant les guerres auxquelles nos gouvernements successifs ont collaboré, y compris avec l’aval des partis de gauche et le silence des directions syndicales obsédées par de prétendues « pertes d’emploi » si on arrête de financer les guerres et de produire les instruments pour les faire.
Les Posadistes en Belgique – 15.1.2016