En Iran les masses défendent l’Etat révolutionnaire

Cet article fait suite aux élections générales du 18 Juin 2021 en Iran. A l’issue de ces élections, le juge Ebrahim Raïssi est devenu président en remplacement de Hassan  Rohani qui n’avait plus droit à un autre mandat. Fortement ébranlés par ce résultat, les dirigeants des grands pays capitalistes n’ont pas contacté Raïssi pour le féliciter. Leurs journaux le qualifient  « d‘ultra-conservateur » pour manifester leur colère contre ce nouveau dirigeant en Iran qui n’accepte pas les « réformes » étouffantes – comme l’accès au GAFI (Groupe d’Action Financière réunissant 39 pays) – que Rohani avait fait voter au parlement. 

Le concept d’Etat révolutionnaire a été développé par le camarade J. Posadas dans plusieurs ouvrages dont « L’État révolutionnaire et la transition vers le socialisme ».

L’IRAN EST UN ÉTAT REVOLUTIONNAIRE

Expliquer ce qu’est un État révolutionnaire est plus difficile que d’expliquer l’État bourgeois ou l’État ouvrier. Car ce n’est ni l’un ni l’autre, c’est un peu de l’un et un peu de l’autre, dans une situation de transition complexe et turbulente, mais avec une direction révolutionnaire qui a la confiance et le soutien des masses. Les choses se compliquent lorsque la bourgeoisie prévaut dans certains de ses organes de pouvoir, comme dans le cas du gouvernement Rohani en Iran.

Durant 8 ans, ce gouvernement a démantelé ou sapé de nombreuses réalisations de l’État révolutionnaire et particulièrement celles du gouvernement d’Ahmadinejad. L’Etat a privatisé un nombre important d’entreprises du secteur public et augmenté drastiquement les différences sociales. Ceci a miné la confiance des masses dans les institutions du pouvoir et dans l’État révolutionnaire lui-même, plongeant le pays dans une situation d’urgence, comme entre la vie et la mort. Cependant, l’Iran s’est maintenu, à la manière du Venezuela ou de la Syrie, mais avec de fortes dégradations et avec la formation d’une couche bourgeoise riche et servile derrière les nombreux organes du capitalisme.

L’Iran et l’impérialisme

L’Iran a subi des hémorragies internes et externes graves au point de mettre le pays à genou. Mais l’impérialisme s’est paralysé en échouant dans ses plans comme en Syrie et dans bien d’autres endroits. N’eût été la crise interne de l’impérialisme et la polarisation du monde à son détriment, qui sait si l’Iran n’aurait pas implosé sans même que l’impérialisme n’ait eu besoin d’intervenir militairement.

Un État révolutionnaire ne se juge pas seulement par la quantité plus ou moins importante de biens étatiques. Il ne se juge pas non plus par le caractère plus ou moins anti-capitaliste de son gouvernement. Ce qui compte ici, c’est le très grand besoin de l’impérialisme d’arracher l’épine iranienne de son pied une bonne fois pour toutes.

Ceci est apparu très clairement lors des attaques massives de Dick Cheney contre l’Iran (2007), qui ont toutefois échoué en raison des conflits internes au sein de la CIA. L’Iran ne souffre pas d’une absence de démocratie au sens formel. Il ne manque pas de soutenir les révoltes, les mouvements et les révolutions dans les États révolutionnaires voisins comme la Syrie, le Liban ou l’Irak. Il souffre de la faiblesse de son marché relativement fermé par rapport à l’ordre mondial du système capitaliste.

Le capitalisme mondial entend continuer à consolider sa domination mondiale. Il impose à l’Iran des embargos étouffants que le GAFI applique avec le contrôle des vaisseaux marchands et les assèchements bancaires. La décision de se plier aux exigences du GAFI fut prise par le gouvernement précédent de Rohani,  mais elle est à présent contestée par d’autres organes de pouvoir qui s’y opposent.

Le système GAFI dit qu’il lutte contre le blanchiment d’argent, le commerce clandestin et la circulation d’argent dans des valises. Mais en Iran, ce système permet à l’impérialisme d’imposer ses sanctions sur les transactions commerciales et bancaires du pays. L’impérialisme l’a utilisé pour stopper les pétroliers iraniens battant pavillon étranger, capturer leurs équipages et saisir le pétrole à bord. L’impérialisme ne peut laisser l’Iran tranquille. Il veut l’Iran mort, détruit et réorganisé en fonction de ses propres intérêts. C’est tout cela qui fait de l’Iran un État révolutionnaire.

Dans l’État ouvrier, des limites existent qui permettent la révolution politique le rendant capable de se régénérer. Cela vaut aussi pour l’État révolutionnaire : il n’est ni populaire, ni social ou socialiste, mais transitoire, révolutionnaire, oscillant et vacillant, de telle sorte que s’il s’arrête, il tombe. Pour que l’Iran refasse partie intégrante du système mondial capitaliste, il doit faire un bond violent et sanglant en arrière. L’existence de toutes ces forces qui s’y opposent signifie que cela ne peut pas s’accomplir par une simple régression graduelle.

Le gouvernement Raïssi et l’usure

L’animosité et l’hostilité des États capitalistes envers l’Iran se traduisent dans le fait que, à part l’Autriche pour ses propres raisons, les autres n’ont pas reconnu Raïssi comme le nouveau président de la République islamique.  Jusqu’à présent, ils ne le provoquent pas non plus, pour lui laisser le temps de constituer un gouvernement de « centre modéré » basé sur l’habituelle « économie mixte », sur un marché ouvert, sur le développement du libre-échange au moyen des nombreux ports francs et des « zones économiques spéciales et libres ».

Si l’usure est aujourd’hui la toile, les banques sont l’araignée qui pompe la sève des parties productives du pays. Elles permettent la situation actuelle d’une énorme concentration de capital financier entre quelques mains seulement.  Ahmadinejad estime que plus de 70% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté en Iran, et qu’une autre partie vit dans la pauvreté absolue, sans même un repas par jour.

Pendant ce temps, cette bourgeoisie spéculative et meurtrière, qui s’est engraissée pendant la guerre, semble avoir été créée dans le but spécial d’éliminer ou d’exclure tout concurrent révolutionnaire. Elle n’a cependant jamais pu achever son œuvre contre-révolutionnaire. Elle n’est jamais parvenue à placer toutes les contradictions sous la gestion du régime de la propriété privée. Les contradictions sont dans tous les organes et sphères du pouvoir, les banques, les prêteurs, les vautours, la double monnaie, le marché noir. Elles se situent de la bourse et la conversion des monnaies (le change) à la dépossession des petits et moyens épargnants, de l’import-export et la grande contrebande à la police et à l’armée.

L’Iran a touché le fond à plusieurs reprises, comme lorsque Rafsandjani « faisait boire la ciguë à Khomeiny » selon ses propres termes. Ce n’est pas un hasard si, il y a 16 ans de cela, le révolutionnaire Ahmadinejad chassait Rafsandjani pour sauver le pays de la faillite et partiellement réarranger les choses.

Pour empêcher Ahmadinejad d’aller plus loin, ses adversaires sont allés chercher Rohani. Ce personnage sombre est toujours dans l’ombre, toujours contre-révolutionnaire et toujours du côté de l’implacable et vorace Rafsandjani. Le premier gouvernement Rohani il y a 8 ans mettait fin aux relations avec tous les États et gouvernements révolutionnaires. Il arrêtait le « Pipeline de la Paix” qui devait fournir du gaz au Pakistan et à l’Inde. Il a coupé les relations avec la Syrie, la Bolivie, le Venezuela, le Brésil. Profitant de la crise en Ukraine, Rohani cédait le gaz aux pays européens via de grandes entreprises comme Total et Exxon Mobile.

Mais cette politique n’a pas prospéré non plus. Dans sa deuxième administration, le gouvernement Rohani a lié la vie ou la mort du pays à l’accord nucléaire, détruisant rapidement les réacteurs et les centrifugeuses, s’ouvrant à l’espionnage et à la surveillance, abandonnant son contrôle sur l’industrie des missiles.

Si la révolte nécessaire vient maintenant d’arriver, ceci est dû au caractère de l’État révolutionnaire, où les masses n’ont jamais cessé d’espérer, même lorsque les dirigeants mettaient leur vie en danger. Même quand le gouvernement agissait visiblement en tant qu’organe coercitif des usurpateurs, les masses iraniennes n’ont jamais cessé de considérer l’État comme le leur. Si les masses vont pouvoir égaler à temps la précision chirurgicale des attaques des fonctionnaires contre elles, ceci reste une autre affaire.

De notre correspondant en Iran – 30 juin 2021

Photo : les Gardiens de la Révolution islamique

Note : Le corps des Gardiens de la Révolution islamique a été créé le 22 avril 1979, trois semaines après le référendum qui valide la formation de la République islamique d’Iran. Il est séparé de l’armée iranienne régulière et lui est parallèle. Le corps des Gardiens de la Révolution Islamique a été fondé par un décret du 5 mai 1979, en tant que force soumise à l’autorité de l’ayatollah Khomeini, et actuellement celle de l’ayatollah Ali Khamenei.

En 2000, on estime que les GRI regroupent 130 000 hommes dans une vingtaine de grandes formations, dont des unités parachutistes, d’opérations spéciales ou d’infanterie de marine. L’ancien président d’Iran Mahmoud Ahmadinejad (auquel Hassan Rohani a succédé le 4 août 2013) était membre des gardiens de la révolution pendant la guerre Iran-Irak.