Hommage à Eduardo Galeano : Hasta siempre compañero !

Ta vie, ta pensée, ta créativité, ton engagement social, l’amour pour l’humanité qui parcourt toute ton œuvre resteront à jamais !

Eduardo Galeano est décédé, mais il restera pour toujours parmi nous et pour les générations futures. Son œuvre n’est pas seulement littéraire, elle est une partie de l’histoire de l’Uruguay, de l’Amérique Latine et du monde. Elle est « la voix des sans voix ».

Eduardo Galeano a rempli une fonction transcendentale, aux côtés de Quijano (1) , au travers de la revue « Marcha » (2), quand ils ont analysé et conclu qu’avant de parler d’une « troisième voie » au niveau du monde, il fallait poser que la seule alternative historique à l’impérialisme, au capitalisme, était et resterait le socialisme.

Il a également joué un rôle fondamental dans l’hebdomadaire « Epoca »(3) en 1968, en ouvrant cette revue à toutes les tendances de la gauche, avec le droit à une page pour chacune. Nous devons souligner ici la publication hebdomadaire de la page de « Frente Obrero en Epoca »(4), avec les textes de notre maître J. Posadas. « Epoca » a jeté les bases historiques de la future création organique du Frente Amplio(5) en 1971. Le journal fut un centre de discussions publiques d’idées de toute la gauche en Uruguay, à un moment où celle-ci était très divisée et dispersée face aux attaques du capitalisme et de l’impérialisme. « Epoca » a répondu à une nécessité de l’histoire, qui a eu sa continuité dans le Frente Amplio (Front Large), la CNT(6) et, plus tard, avec « Brecha »(7) et le PIT-CNT(8) après la chute de la dictature.

Eduardo Galeano fut un homme passionné, polémique, engagé, plein de chaleur et d’amour  humain. Il prenait la défense de la « terre mère » et de l’humanité face aux agressions des multinationales, de l’oligarchie et de tous les politiciens corrompus, contre l’environnement et les êtres humains. Avec ses articles et ses livres, il menait la lutte en défense de la vie, de l’eau, des droits humains, pour la vérité et la justice.

Nous gardons à l’esprit sa présence à côté du cher camarade et artiste Daniel Viglietti(9), dans l’occupation populaire spontanée de la Cour suprême de Justice, en défense de la digne juge Mariana Mota(10), dans les Marches pour l’Eau et la Vie(11), dans les luttes contre les mines à ciel ouvert, contre les OGM.

Nous nous souvenons de sa participation à la grande marche organisée par le Congrès du Peuple(12), quand il déclara Bush « persona non grata » lors de la venue de celui-ci en Uruguay. Nous nous rappelons des marches contre les guerres, depuis celle du Vietnam à l’Irak et l’Afghanistan et contre toutes les guerres impérialistes dans le monde.

Sa vie et son œuvre littéraire forment un tout. Depuis « Les veines ouvertes de l’Amérique Latine »au « Livre des Etreintes », « Mémoires du Feu », « Ombres et Lumières du football », il donnait avec une joyeuse passion toute une leçon de vie : « qu’on ait gagné ou perdu, de toutes façons on s’est bien amusés ».

Eduardo Galeano est présent pour toujours dans le cœur de tous les Latino-Américains par sa chaleur humaine et son engagement pour l’unification latino-américaine, son anti-impérialisme, son amitié pour le grand camarade Hugo Chavez, pour Fidel Castro, Evo Morales, Nicolas Maduro, pour ne citer que quelques-uns de ses amis, qui tous d’ailleurs, continueront à vivre aussi longtemps que vivent les peuples et que brûlent les « fueguitos » (les petits feux) de l’amour et des luttes sociales.

Cher camarade et ami Eduardo Galeano, ton œuvre vivra pour toujours au sein de ton peuple, qui n’a pas de frontières.

Voz Posadista -Uruguay 13 avril 2015

 

NOTES ;

(1) Quijano Carlos (Montevideo 1900 – Mexico 1984) : avocat uruguayen, fondateur en 1939 de l’hebdomadaire « Marcha » et son directeur jusqu’à sa fermeture sur ordre de la dictature militaire en 1974. Il venait des rangs du nationalisme et faisait partie au début du courant appelé « terceriste » qui cherchait l’équidistance entre l’impérialisme et l’URSS. Après la 2e Guerre mondiale, sous l’influence de la révolution coloniale en Afrique et en Asie, et de la révolution chinoise, de l’extension de l’URSS en Europe et la création de nouveaux Etats ouvriers ou révolutionnaires, et surtout après le triomphe de la révolution cubaine, il a évolué vers la compréhension et la  défense du socialisme.

(2) « Marcha » :  hebdomadaire uruguayen (1939-1974) dirigé par C. Quijano avec Eduardo Galeano comme rédacteur en chef. Cette revue représentait le meilleur de la vie politique, sociale et culturelle de l’Uruguay dans la seconde moitié du XXe siècle et exprimait le progrès des courants nationalistes, des intellectuels et de la majorité de la population du pays. Ses pages étaient ouvertes à toutes les tendances.

(3) « Epoca » : journal fondé en 1964, par Galeano et fermé en 1966. Il était soutenu par les tendances de gauche, à l’exception du Parti Communiste.

(4) Frente Obrero en « Epoca » : page publiée chaque semaine dans « Epoca » entre juillet 1966 et février 1967, par le Partido Obrero Revolucionario (Trotskista), section uruguayenne de la IV Internationale dirigée par J. Posadas.

(5) Frente Amplio : coalition fondée en 1971, de partis ouvriers, de courants nationalistes, et de secteurs détachés des deux partis de la bourgeoisie uruguayenne (Partido Nacional et Partido Colorado). Le POR(T) fut co-fondateur du Frente Amplio. Ce Front exprimait le mûrissement révolutionnaire du prolétariat et des masses du pays, avec un programme anti-impérialiste et anti-oligarchique, revendiquant notamment la nationalisation des banques, des « frigoríficos » (entreprises de congélation de viande pour l’exportation), la réforme agraire, la révision de la dette extérieure. Il gagne les élections pour la première fois en 2004, et les gagne à nouveau en 2009 et 2014.

(6) CNT : Convention Nationale des Travailleurs, centrale ouvrière unique, constituée en 1966 par les organisations syndicales de diverses obédiences.

(7) « Brecha » : hebdomadaire paru en 1985, après la chute de la dictature civile-militaire, dans l’intention de continuer la revue « Marcha » et qui publia assidûment les articles d’Eduardo Galeano.

(8) PIT-CNT : le PIT ou Plenario Intersindical de Trabajadores est le nom sous lequel agissaient les syndicats après l’interdiction de la CNT par la dictature, entre 1973 et 1985. Au retour de la démocratie, ils ont pris le nom de PIT-CNT, comme expression de la réanimation et réorganisation du prolétariat après le coup d’Etat militaire.

(9) Daniel Viglietti : né en 1939, il est un des plus importants chanteurs et compositeurs uruguayens contemporains. Il reflétait et appuyait dans ses chansons les luttes révolutionnaires des masses d’Amérique Latine et du monde.

(10) La juge Mariana Mota : Juge au pénal qui enquêtait sur 80 cas de détentions-disparitions de la période de la dictature. Sous la présidence de Mujica, le ministre de la Défense lui a refusé l’accès aux Archives militaires, et elle a été dessaisie de cette enquête et déplacée vers la justice civile par la Cour suprême de Justice, ce qui provoqua l’occupation populaire du siège de cette Cour en soutien à la juge.

(11) Marches pour l’eau et la vie: mouvement populaire et paysan contre les mines à ciel ouvert, contre le fracking, les transgéniques, les pesticides agricoles et en défense de l’eau.

(12) Congrès du Peuple: réunion en août 1965, de plus de 700 organisations syndicales, populaires, sociales, coopératives, étudiantes, professionnelles, paysannes, religieuses etc.. en réponse à l’aggravation de la crise sans issue du capitalisme en Uruguay, commencée dès 1955.