« Il ne s’agit pas de 30 pesos, mais de 30 années ! » : voilà ce que répondaient les manifestants quand on leur demandait si l’augmentation du ticket de métro était à l’origine de leur protestation. Cela fait 30 ans que Pinochet est tombé, 30 ans que la démocratie a été récupérée et que le Parti Socialiste et la Démocratie Chrétienne se sont succédé au gouvernement.
En 2006, la «Concentración », dirigée par Michelle Bachelet (PS) et composée du Parti démo-chrétien, du Parti radical social-démocrate, du Parti de la Démocratie et du Parti Socialiste, a gagné les élections. En 2010, elle est remplacée par « Alianza por Chile » qui met Piñera au gouvernement, composée de « Unión Democrática Indépendiente » et « Renovación Nacional ». En 2013, Concertación s’allie au Parti Communiste Chilien, à Izquierda Ciudadana et au MAS pour constituer « Nueva Mayoria » qui gouvernera le Chili de 2014 à 2018. Cette même année, Piñera gagne à nouveau les élections.
Dans cette succession d’alliances auxquelles ont participé différents partis de la gauche et de la droite, il n’y a eu qu’une modification formelle de la Constitution promulguée par Pinochet, en 2005. Toute la structure répressive, judiciaire et administrative héritée de la dictature est restée intacte, et les inégalités sociales n’ont fait que s’aiguiser.
L’augmentation de 30 pesos du ticket de métro ne fut que le détonateur des mobilisations, les jeunes étudiants se sont lancés dans la lutte, sautant par-dessus les tourniquets du métro au cri de : « Ne pas payer, c’est lutter ! » Les travailleurs, les mouvements syndicaux et sociaux, les populations indigènes et de vastes secteurs populaires, les ont rapidement rejoints pour condamner les politiques néolibérales qui soumettent le peuple chilien à la pauvreté, aux inégalités, aux injustices.
Les services de santé ont été privatisés, le prix des médicaments a augmenté de façon exorbitante, le système d’éducation et les services publics pour les citoyens sont dans un état de précarité absolue. Les réserves d’eau sont aux mains de 5 familles au Chili. Cette ressource très importante pour la vie s’est transformée en marchandise, alors que le Chili est la 3ème réserve d’eau douce la plus importante dans le monde.
Les fonds de pensions ont été privatisés et se sont convertis en bonnes affaires pour les banques et en escroquerie envers la population qui touche actuellement en moyenne 250 dollars/mois de pension. Seule l’armée ne souffre pas de cette privatisation et touche, en plus d’une pension confortable, 10% des bénéfices de la vente du cuivre. Les mines de cuivre représentent 20% du PIB chilien. Le prix des logements a augmenté de 70% au cours de ces dernières années, alors que le salaire moyen des travailleurs est de moins de 600 dollars/mois.
La mobilisation a été massive, rassemblant jusqu’à un million de personnes à Santiago, la capitale. Partout des assemblées se sont tenues, des plateformes se sont constituées, réunissant les étudiants, les mouvements sociaux, tous les secteurs exploités.
Le gouvernement a mis en route sa machine de répression. L’armée et la police sont intervenues durement, mais cela n’a pas arrêté les manifestants qui réclament maintenant la démission du gouvernement et la convocation de nouvelles élections.
Le président Piñera a présenté hâtivement une « feuille de route » pour camoufler sa propre impuissance : il convoque en effet une « table de dialogue » entre tous les partis, en vue d’un referendum en avril 2020 et l’élection d’une assemblée constituante en octobre 2020.
Mais les étudiants, les syndicats, le Parti Communiste et un secteur du Frente Amplio exigent une « Assemblée Constituante tout de suite ! », avec des parlementaires choisis par la base, en vue de rédiger une nouvelle Constitution qui démocratisera le pays, protègera ses ressources naturelles et les mettra au service des citoyens.
L’Hymne de l’Unidad Popular a résonné dans les rues des villes, dans les aéroports : « el pueblo unido jamás será vencido…», ranimant la mémoire de l’expérience la plus élevée vécue par le Chili, celle de l’époque du gouvernement d’Allende, ce grand dirigeant intègre et révolutionnaire.
Le programme de nationalisations, de transformations de l’économie, doit être présent dans l’élaboration de cette nouvelle Constitution. Les masses chiliennes ont à l’esprit également l’exemple de l’Assemblée Constituante du Venezuela qui a inauguré le processus révolutionnaire dirigé par Hugo Chavez.
Ces grands soulèvements en Equateur, en Bolivie, au Chili, en Colombie, s’unissent à la résistance déterminée face à l’impérialisme, du Venezuela et de Cuba, aux mobilisations qui ont imposé la libération de Lula au Brésil et à la victoire du «Frente de Todos» en Argentine. Toute l’Amérique Latine se rebelle contre la politique du Fonds Monétaire International, contre les pillages des multinationales et la politique criminelle de guerre des Etats-Unis.
Il faut continuer à organiser les forces progressistes, construire des organes de double pouvoir, de participation des masses, leur donner un programme de nationalisations et de transformations sociales et économiques, et unir tous les peuples de l’Amérique Latine dans cette perspective.
Les Posadistes – 24.11.2019