La révolution bolivarienne est une machine à démocratiser en profondeur le champ politique, notamment par la mise en place de différents types d’autogouvernements populaires, la plupart du temps sous la forme de communes mais aussi sous d’autres formes d’organisation. Ce mouvement puise ses racines dans l’histoire populaire de résistance au colonialisme et notamment dans la création de cumbes afro-descendants par des ex-esclavisé(e)s fugitif(ve)s, ancêtres d’une grande partie des communes actuelles. Il faut y ajouter les racines du « bien commun » indigène et, bien sûr, la révolution bolivarienne initiée par Hugo Chávez qui a synthétisé ces racines avec le marxisme et la pensée du « gouvernement territorial » (« toparquia« ) de Simon Rodríguez, le tuteur de Simón Bolívar.
Il y a dans ce mouvement une forte vitalité. Cependant ce n’est encore qu’une minorité de la population qui vit dans ces territoires organisés. Il faut beaucoup travailler pour transformer « l’esprit de la commune » (Hugo Chávez) en « sens commun » dans un pays où l’économie privée et les médias commerciaux occupent encore une place dominante. C’est pourquoi, ces dernières années, les communes les plus avancées ont envoyé des brigades de l’Union Communarde (« Union Comunera« ) dans tout le pays pour rencontrer d’autres groupes en train de s’organiser, encourager les initiatives naissantes et les sortir de leur isolement. Cette aventure démocratique est racontée dans notre documentaire « Nostalgiques du futur » (1). Un des objectifs est de dépasser le capitalisme en créant des circuits économiques intégraux, du producteur au consommateur, autour de produits tels que le café, le cacao, le poisson, etc… Des « routes communales » pour garantir un commerce équitable et direct, sans intermédiaires.
Ce 20 octobre 2023 on commémorait au Venezuela les onze ans du « changement de cap », une réunion télévisée de 2012, passée à la postérité, où le président Hugo Chávez avait sévèrement critiqué ses ministres pour leur mollesse dans l’appui à la construction de cette démocratie directe parallèle à la démocratie représentative, et lancé son célèbre « la commune ou rien ! » Onze ans plus tard donc, Nicolas Maduro et ses ministres ont rencontré les communes – autogouvernements populaires -, lors d’un vaste meeting à Caracas pour dresser la liste des avancées, des problèmes et des propositions des milliers de communard(e)s venu(e)s de tout le Venezuela.
Le président a d’abord demandé au gouvernement d’acheter la production communarde en priorité : « le Conseil des vice-présidents disposera de 72 heures pour établir un mécanisme efficace permettant d’intégrer la production des communes dans le programme national de marchés publics. Il y a des problèmes à résoudre et nous devons les résoudre sur la base des propositions qui viennent de la base, du peuple organisé » a souligné le chef de l’État, qui a par ailleurs ordonné de reprendre l’auto construction comme méthode pour faire avancer la Grande Mission Sociale « Logement Venezuela » (2) : « Cette mission doit être planifiée non pas depuis le ministère, mais depuis le territoire avec le peuple organisé. Le projet du pouvoir populaire est vital si nous voulons avancer dans la construction d’une nouvelle société » .
Autres mesures annoncées par le président bolivarien pour soutenir les autogouvernements populaires :
– Transfert de 15 entreprises industrielles au pouvoir populaire.
– Transfert immédiat de 48 locaux de Mercal et PDVAL (magasins d’aliments subventionnés par l’État), qui seront réactivés dans le cadre de la création de la Corporation nationale labellisée « Produit par les Communes ».
– Approbation de 348 millions 665.020 bolivars pour la promotion de 43 circuits économiques communaux (circuits économiques intégraux, du producteur au consommateur, autour de produits tels que le café, le cacao, le poisson, etc… pour garantir un commerce équitable et direct, sans intermédiaires.).
– 130 projets présentés par les communard(e)s liés à l’électricité, l’eau, la santé, l’environnement, le gaz et le logement seront financés.
« A mesure que nous récupérerons le revenu national avec la levée partielle des sanctions par les États-Unis, toute rentrée d’argent dans les caisses de l’État ira directement aux circuits économiques communaux, à ceux qui existent et à ceux que nous allons créer » a expliqué Maduro, qui a enfin demandé aux ministres qu’ils lient directement leurs agendas de travail aux besoins du pouvoir populaire : » Vos agendas de travail doivent prendre en compte prioritairement les plans des communes » . Et de conclure : « La grande contribution du président Chávez à la théorie mondiale du socialisme en tant que courant de changement pour la justice et l’égalité est le socialisme construit au plan territorial, communal, dans les quartiers populaires, dans les communautés populaires. Difficile à construire ? Oui, mais essentiel et nécessaire. Il faut un maximum de pouvoir au peuple ! »
Thierry Deronne, Caracas, le 20 octobre 2023 – Publié par Venezuela Infos
Notes :
(1) on peut voir ce documentaire en ligne : https://venezuelainfos.wordpress.com/2023/06/08/nostalgiques-du-futur-en-ligne-les-mutins-de-pangee/
(2) Ce vaste programme gouvernemental créé par Hugo Chávez en 2012 vise pour 2025 l’objectif de 5 millions de logements bon marché remis au familles populaires.
URL de cet article : https://venezuelainfos.wordpress.com/2023/10/21/le-venezuela-donne-un-coup-daccelerateur-aux-autogouvernements-populaires/
Photo : Grande rencontre avec les « Communes » à Caracas le 20 octobre 2023