Les élections de juin 2016 et le Front de Gauche en Espagne

La coalition entre « Podemos » et « Izquierda Unida » qui s’est concrétisée en vue des prochaines élections de juin représente un très important changement qualitatif dans le panorama politique de l’Espagne. Cet accord, réclamé par de nombreux secteurs de la base politique et des mouvements sociaux, montre qu’une force de gauche en mesure de présenter une alternative de gouvernement au Parti Populaire (PP) est en train de se construire.

Le programme en 50 points « POUR CHANGER L’ESPAGNE » est une riposte à la politique d’austérité du gouvernement de Rajoy imposée par l’Union Européenne et le Fonds Monétaire International. Un de ses axes est l’augmentation des investissements dans le domaine de la santé, de l’éducation et des personnes dépendantes. Au cours des dernières années le budget santé a diminué de 12 milliards d’euros et plus de 50.000 postes de travail ont été perdus. Il s’agit de cette manière de récupérer le niveau du budget santé antérieur à la crise.

La priorité est donnée à la mise en marche d’un plan de revenu garanti de 600 euros et de revalorisation des retraites. Celles-ci seront indexées en fonction de l’index des prix à la consommation, les réformes approuvées en 2010 et 2014 par le  Parti Socialiste (PSOE) et le PP seront abrogées. Le service aux personnes âgées sera 100% public et universel.

Le reste du budget des dépenses sociales irait à des politiques environnementales, à des services communautaires et à la culture. Une réforme de la progressivité des impôts permettrait de faire rentrer des revenus et d’augmenter l’impôt sur le patrimoine, les donations et les héritages. Des mesures seront prises contre les paradis fiscaux en poursuivant en justice les titulaires de comptes et spécialement les multinationales qui les utilisent pour l’évasion fiscale.

Dans le camp syndical, le programme en 50 points propose d’annuler les réformes concernant le Droit du Travail de 2010 et de 2012, votées par le PSOE et le PP, et d’élaborer un nouveau Statut des Travailleurs. En deux ans, le niveau du salaire minimum interprofessionnel devrait atteindre 800 Euros, ceci en vue de réduire la précarité. Ce Statut propose d’impulser la participation des travailleurs dans la gestion des entreprises et d’éliminer les discriminations de genre. Le Statut propose que les contrats à durée déterminée soient transformés au bout d’un an en contrats à durée indéterminée. La loi générale sur les licenciements et les conventions sectorielles auront la priorité sur les conventions d’entreprise.

Le plan propose d’organiser en une seule banque publique les banques contrôlées par l’Etat (Bankia, Banco Mare Nostrum, ICO) et que l’Etat récupère les centrales hydroélectriques en fin de contrat et empêche le fracking. Le programme vise aussi à ralentir le rythme de réduction du déficit budgétaire et ne pas accepter les impositions de la Commission Européenne.

1,4 million de foyers manque de ressources pour faire face aux besoins de base. La Coalition veut instaurer un bon gratuit pour les personnes et les familles en situation de pauvreté. La Coalition propose l’arrêt des expulsions de logements pour motifs économiques prouvés et le remboursement progressif rétroactif de la dette. Un des buts est de créer un plan public de construction de logements sociaux dont le loyer ne pourrait dépasser les 30% du revenu familial, et de sanctionner les sociétés financières qui possèdent des logements inhabités.

Il y aura une nouvelle loi sur l’Education, à l’élaboration de laquelle participeront tous les acteurs concernés, en particulier une loi-programme sur les Universités et la Recherche pour mettre les connaissances au service de la société. L’accès à l’enseignement sera gratuit.

La lutte contre la corruption sera intensifiée, il sera interdit à tout responsable d’une fonction politique de participer aux conseils d’administration des grandes entreprises. Un référendum citoyen révocatoire aura lieu en cas de non-accomplissement du programme électoral.

La liberté d’expression, de réunion et de manifestation sera garantie, les lois répressives du PP seront annulées. La loi Memoria Historica (droit d’investigation et punition des crimes du franquisme) devra être appliquée, permettant la vérité, la justice et la réparation pour les victimes du franquisme.

Rejet des traités sur le libre commerce (TTIP et CETA), qui menacent la souveraineté et le fonctionnement démocratique des pays européens. Respect du droit d’asile et de la dignité des personnes immigrées. Reconnaissance de l’Etat Palestinien et de la libre détermination du Sahara Occidental.

Toute la droite et les médias se sont concentrés pour attaquer ce Front, en agitant le spectre du communisme et les politiques bolivariennes. Le Venezuela est en pleine campagne électorale et la bourgeoisie espagnole utilise la discussion de sa situation politique pour attaquer la gauche.

Le PP est plongé dans une profonde crise, produit de la grande corruption et de l’échec de sa politique d’austérité. L’ultra-droite du parti dirigé par Aznar fait pression pour appliquer encore plus à fond les mesures d’ajustement économique en vue de diminuer le déficit public, même au prix d’attaques frontales contre les plus pauvres. « Ciudadanos », le nouveau parti de la droite, a déjà baissé dans les sondages par rapport aux dernières élections.

Le nouveau recours aux élections est dû au refus du Parti Socialiste de faire un accord avec Podemos pour former un gouvernement de gauche. L’appareil du PSOE a obligé Pedro Sanchez – son secrétaire général – à faire un accord avec Ciudadanos. Cela a entraîné comme conséquence l’impossibilité d’assumer une partie du programme de Podemos, surtout en ce qui concerne les points sur l’économie et l’annulation totale de la Loi Travail (« Reforma Laboral »).

Cet Accord est très important même si le débat ne dépasse pas les limites d’un projet social-démocrate de gauche, et même s’il ne parle pas de restructuration, de non-paiement de la dette, ni de la sortie de l’OTAN.

Ce front Podemos-Izquierda Unida est un centre qui stimule la participation du mouvement ouvrier, des mouvements sociaux et de la gauche en général, et il va attirer un secteur important de la société qui veut intervenir pour impulser des changements. Pour y parvenir, il faut développer le programme plus à fond par des mesures de nationalisations, de participation et contrôle social, qui permettront d’affronter les réactions de la bourgeoisie espagnole et de l’Union Européenne.

Posadistas Hoy – Juin 2016