L’intervention militaire de la Russie en Ukraine est au cœur de tous les changements dans les relations de pouvoir mondiales. Cela a été clairement exprimé en mars 2022 lorsque 40 pays se sont abstenus ou ont refusé de voter la résolution de l’ONU condamnant ladite « invasion » russe en Ukraine. De la même manière, seuls 34 pays ont participé aux sanctions contre la Russie sur un total de 195, ce qui démontre une clarification des positions avec le bloc dit « occidental » dirigé par les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Union européenne et en particulier les pays membres de l’OTAN.
Le sommet Russie-Afrique, accompagné du Forum économique et humanitaire, qui s’est tenu en juillet à Saint-Pétersbourg, a également montré ce que Poutine définit comme le nouvel ordre multipolaire. Il y a eu une présence de 49 pays africains sur 55 et la participation de 17 chefs d’État qui ont réaffirmé dans leur déclaration finale la nécessité de lutter ensemble contre le néocolonialisme, l’imposition de conditions qui empêchent les États et leurs peuples de décider de leur propre voie de développement.
« Africa We Want » (l’Afrique que nous voulons) est tout un programme pour tenter de résoudre les problèmes des pays les plus pauvres d’Afrique : sécurité alimentaire, énergétique, sécurité alimentaire et des ressources. Contrairement à l’impérialisme qui est incapable d’aider ces pays sans exploiter les ressources minières dont ils disposent par eux-mêmes et de développer des infrastructures en fonction des besoins de la population, la Russie a montré sa capacité de coopération réelle en promettant d’augmenter la livraison gratuite de céréales de 25 000 à 50 000 tonnes à certains pays africains comme le Burkina Faso, le Mali, le Zimbabwe, la Somalie, l’Érythrée, la République centrafricaine.
La Russie ainsi que la Chine contribuent au développement en Afrique des industries, des centrales électriques, des systèmes d’irrigation, des entreprises agricoles, des transports, mais aussi des médecins, des ingénieurs, des enseignants, dans le respect des traditions et des valeurs de chaque pays. C’est ce que démontre le capitaine Ibrahim Traoré, président de transition du Burkina Faso, dans son discours à Saint-Pétersbourg, un discours très anticolonial et anti-impérialiste, contre ces prédateurs qui n’ont aucun intérêt à développer les pays d’Afrique, qui les maintiennent par tous les moyens dans la pauvreté, forçant la population à traverser les océans au péril de leur vie. Aujourd’hui, le peuple burkinabé est déterminé à lutter contre l’esclavage, le terrorisme et à faire avancer le pays.
Ce manque de respect de la part de l’impérialisme fait partie de la rage qui se développe dans certains pays africains, qui au cours des 3 dernières années ont fait des coups d’État comme le Mali, la Guinée, le Burkina Faso et le Niger, 4 pays qui ont été expulsés de la CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest) parce qu’ils ont imposé un autre plan que l’imposition et le contrôle des politiques menées par l’impérialisme, une autre forme de démocratie, de solidarité, et qu’ils ne se sont pas soumis à la pression en décrétant une période de transition.
Ces pays africains, en particulier le Mali, le Burkina Faso et maintenant le Niger, montrent que la France n’a jamais eu de considération pour eux, pour la vie de leur population, ni pour la compréhension de leur propre identité culturelle. C’est ainsi que le Mali a dénoncé et annulé les accords que la France a signés avec les pays africains qui voulaient leur indépendance en 1960, accords qui représentent un vol énorme des ressources et des matières premières de ces pays et leur soumission au pouvoir impérialiste par la monnaie et son contrôle dont fait partie cet organisme qu’est la CEDEAO.
D’autre part, ils ont également dénoncé les accords militaires dans la région et la réalité de plus de 10 ans d’échec de la stratégie de la France et des États-Unis dans leur lutte contre le terrorisme, créé par eux et l’OTAN depuis l’opération militaire qu’ils ont lancée en 2011 contre la Libye. Le Mali, le Burkina Faso et le Niger sont les 3 pays dans lesquels il y a des bases militaires françaises et américaines avec des soldats qui ont maintenant reçu l’ordre de partir.
La France n’est jamais sortie de sa politique néocoloniale en Afrique. Son plan « aide au développement » s’inscrit dans cette stratégie de contrôle des 14 anciennes colonies que De Gaulle a lancée sur le plan économique, militaire, culturel, alimentée par les finances de l’Union européenne. Cette politique n’a rien à voir avec une coopération réelle avec ces pays, elle n’était que le soutien des entreprises françaises dans ces pays pour exploiter les mines et les matières premières, dans le but d’empêcher le développement de la révolution et du communisme sur le continent.
Dans cette stratégie, il existe aussi « une feuille de route d’influence » qui signifie en réalité « pouvoir », rédigée par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, qui définit comment intoxiquer massivement la jeunesse africaine par des actions universitaires, culturelles et diplomatiques qui ne font que magnifier le rôle et la valeur de la France.
Du point de vue économique, l’exploitation de l’uranium au Niger est un exemple de cette politique de la France dans les anciennes colonies. 3 mines sont exploitées par le groupe Orano (ex Areva), une multinationale française contrôlée à 90% par l’Etat français, qui l’utilise pour exploiter ses 18 centrales nucléaires en France. Mais dans ce pays riche en uranium, pétrole, or et autres minerais, la population reste très pauvre avec une grande majorité sans accès à l’électricité, les jeunes ont peu d’éducation et ceux qui ont des diplômes sont sans travail et sans avenir.
Ces pays qui affirment aujourd’hui par la force militaire leur refus de continuer avec cette situation où l’impérialisme utilise toutes les formes de chantage, de corruption, de clientélisme pour s’imposer politiquement, sans tenir compte des intérêts de la population, font partie de ces changements qui se développent dans le monde entier. Ils montrent que le rôle de l’armée est fondamental dans la lutte anti-impérialiste, parce que pour résoudre les problèmes et promouvoir la révolution ils doivent être incorporés dans une guerre de classe.
L’Afrique a connu de nombreux coups d’État depuis son indépendance en 1960 et a donné naissance à des personnalités importantes telles que Patrice Lumumba en République démocratique du Congo qui a été assassiné en 1960, ou Thomas Sankara au Burkina Faso, le pays des hommes intègres, qui a été assassiné en 1987. Il a déjà été démontré à l’époque de Thomas Sankara que le pays pouvait progresser dans les domaines de la santé, de l’alphabétisation, de la malnutrition, de l’environnement avec une politique équitable, de la sensibilisation et de l’éducation de la population.
Le Niger était, après les coups d’État militaires au Mali et au Burkina Faso, le dernier allié de la France dans cette région. La France ne peut accepter que ce pays échappe à son contrôle dans cette région du Sahel et à cette perte d’influence qui était au centre de sa politique en Afrique. C’est pourquoi Emmanuel Macron, lors de sa réunion du Conseil de défense, a pris la position de la CEDEAO pour déclarer sa condamnation du coup d’État, suspendre ses actions de coopération et accepter la menace d’une intervention militaire pour rétablir le président Bazoum au gouvernement. Celui-ci a été élu en 2021 dans une parodie d’élection démocratique, imposé sans fondement réel, et a contribué à la dégradation constante des libertés publiques depuis 2014 dans ce pays. Macron voit cela comme le point central de ce que représente la démocratie et de l’ordre constitutionnel qui doit être préservé.
Avec le Mali et le Burkina Faso, le Niger subit aujourd’hui d’énormes sanctions financières et bancaires, avec des frontières fermées, des interruptions de l’approvisionnement en électricité, menacé d’intervention militaire de la CEDEAO et de l’impérialisme. Mais face à ces tentatives de déstabilisation du Niger, le Mali, le Burkina Faso et l’Algérie ont déjà déclaré qu’ils se considéraient en danger direct si la CEDEAO lançait cette intervention militaire.
Cela montre comment les armées de ces pays sont fermes dans leurs positions et prêtes à travailler ensemble contre toute la politique qui a conduit à la situation actuelle, en faisant des alliances régionales entre elles. Le Niger, avec les bases militaires françaises et américaines, a été le laboratoire de la nouvelle stratégie de l’impérialisme au Sahel. Ce fut un échec complet et l’un des centres de la rébellion qui affaiblit très fortement la position de la France dans la région.
Maintenant, cette situation compromet toute cette politique de l’impérialisme, reconstituant les bases d’une recomposition des forces en faveur de changements politiques importants dans les pays d’Afrique de l’Ouest qui peuvent ouvrir une autre dynamique sur tout le continent.
Les Posadistes – 16 septembre 2023
Photo : mobilisation au Burkina Faso le 15 septembre 2023