L’Espagne a stoppé l’avancée de l’extrême droite

Les élections législatives en Espagne en juillet ont brisé toutes les prévisions et les résultats des sondages qui donnaient une majorité au Parti Populaire et à VOX pour gouverner. Une grande partie de la société – syndicats majoritaires, femmes, secteurs populaires, LGTBI – a vu ses droits et ses conquêtes menacés par un gouvernement de droite et s’est impliquée en votant pour des options progressistes.

Les élections municipales et certaines élections communautaires de mai ont été une défaite pour le gouvernement et la gauche. Le Parti Populaire a augmenté ses voix dans les grandes capitales telles que Madrid, Valence, mais aussi en Andalousie, en Aragon, aux Baléares, en Estrémadure et La Rioja, sans obtenir la majorité absolue. Il y a eu un transfert de votes de Ciudadanos (Parti de la citoyenneté), qui a perdu un million et demi de voix, dont la plupart est allée au Parti Populaire.

La droite a attiré un secteur de la population en s’appuyant sur la crise économique, l’appauvrissement, les difficultés d’accès au logement, et a attaqué l’accord du gouvernement réalisé avec les partis indépendantistes basque et catalan. La loi « Seul un oui est un oui » (1), promulguée à la demande des secteurs de Podemos, a été un élément utilisé par la droite dans sa confrontation avec le gouvernement. VOX a augmenté ses voix aux élections municipales et régionales, permettant au Parti Populaire de gouverner au moyen d’une coalition dans de nombreuses municipalités et communautés autonomes.

Le PSOE a perdu 400 000 voix aux élections municipales, dont de nombreuses communautés autonomes, malgré sa victoire à Barcelone, Tarragone et Lérida. Dans cette défaite l’augmentation du coût de la vie a joué un rôle important, notamment en raison de l’augmentation des prix de l’énergie et des denrées alimentaires et de la perte de pouvoir d’achat du fait de la stagnation des salaires. Le revenu minimum vital, qui était une mesure importante pendant la pandémie, n’a favorisé qu’un très petit secteur. Ce qui a également influencé une partie de la gauche et de la jeunesse, en les empêchant de voter pour le PSOE, ce sont les énormes dépenses militaires et l’implication de l’Espagne dans la guerre en Ukraine.

Podemos a subi une défaite majeure en raison de sa politique limitée, de ses divergences internes et du fonctionnement de sa direction qui a entravé la participation de ses bases. L’émergence de SUMAR (2) n’a pas suffi à centraliser l’ensemble de la gauche parce que le débat n’était pas orienté vers la discussion du programme et d’une politique de transformation sociale.

Face à cette situation, Pedro Sánchez a décidé de convoquer des élections anticipées pour éviter une détérioration plus grande du gouvernement et contenir les divergences au sein du Parti socialiste.

Bien que le gouvernement n’ait pas changé de politique au cours de cette période, la gauche et les secteurs populaires se sont beaucoup plus concentrés dans le vote des élections législatives afin de contenir l’avancée de la droite. Cette dernière a subi un fort revers en démentant les résultats des sondages qui la donnaient pour vainqueur.

La campagne électorale de la droite s’est basée sur l’élimination de toutes les mesures qui favorisaient les femmes et les droits humains, en opposition à la loi sur l’avortement, à celle de la Mémoire Historique, de l’euthanasie et de la violence de genre. Elle a voulu aussi modifier la réforme du travail en accord avec le patronat.

Le PSOE a résisté avec près de 32% des voix et SUMAR, une coalition de 15 partis de gauche dans laquelle participe Podemos, avec 12% des voix, a ouvert la possibilité de réélire le gouvernement progressiste avec les partis indépendantistes.

Pourquoi ce retournement a-t-il eu lieu ? Dans l’accord entre VOX et le Parti Populaire, dans les lieux où ils gouvernent, les centres de conseils des femmes battues ont été éliminés, les drapeaux du collectif LGTBI ont été enlevés et les spectacles culturels qui n’étaient pas en accord avec leur idéologie ont été supprimés. Ceci a provoqué une réaction du monde de la culture qui a fait un manifeste contre ces mesures de droite en défense de la liberté d’expression.

Les syndicats majoritaires ont appelé à ne pas voter pour des options qui réduisent les droits sociaux. C’est dans ce cadre politique et social que des secteurs des classes populaires, des jeunes, des femmes et une partie importante du mouvement ouvrier, ont compris l’importance de la situation et ont décidé de voter pour les options les plus progressistes.

Cela a signifié un coup dur à la droite qui n’a pas rassemblé les députés nécessaires pour former un gouvernement. Celui-ci restera donc entre les mains du PSOE, de SUMAR et des partis indépendantistes.

Le résultat de ces élections ne définit pas une issue aux problèmes qui se posent en Espagne. Il est nécessaire d’ouvrir un débat idéologico-programmatique à gauche qui propose un projet alternatif à la crise du capitalisme. Jusqu’à présent, la politique qui a été appliquée n’a servi de façon limitée qu’à atténuer les effets de la pandémie et de l’inflation galopante produite par les dépenses militaires.

La guerre d’Ukraine a été absente de la campagne électorale. Tous les partis ont convenu de traiter cette question sur le seul thème que cette guerre compromet l’économie de l’Union européenne.

Les États-Unis ont organisé une guerre par procuration pour que ce soit le peuple ukrainien qui en subisse les conséquences directes et ont forcé les pays européens à financer cette intervention militaire qui va signifier une grande défaite pour l’OTAN.

Le gouvernement espagnol a été impliqué dans le soutien au gouvernement Zelensky soutenu par une armée composée de milices nazies et de mercenaires de l’OTAN. Nous devons arrêter cette escalade militaire qui répond aux intérêts de l’impérialisme et à leur volonté de maintenir leur hégémonie sur le processus mondial en affaiblissant la Russie et en faisant avancer ses plans de guerre.

Cette situation nuit à l’économie et au niveau de vie des masses européennes qui subissent un grand recul. L’augmentation des intérêts hypothécaires imposée par la Banque centrale européenne a entraîné l’appauvrissement d’une partie de la population et n’a profité qu’aux banques.

La gauche et les syndicats ne peuvent espérer être renforcés par des processus électoraux. Nous devons ouvrir un débat profond sur la débâcle du système capitaliste et ses conséquences. Les mouvements sociaux, en tant que force dynamisante du processus révolutionnaire, ne peuvent se substituer à la lutte du mouvement ouvrier.

Il est très important de prendre position face à la guerre qui tente non seulement de soumettre la Russie mais aussi l’ensemble de l’Europe. Il faut rejeter la participation de l’Espagne à l’OTAN et l’aide militaire qu’elle apporte à l’Ukraine.

De nombreux pays d’Afrique sont en train de donner l’exemple. Avec moins de moyens, ils se soulèvent contre le colonialisme et l’impérialisme et ne s’alignent pas sur les États-Unis dans la guerre en Ukraine.

Les Posadistes – 13 août 2023

Notes :

  • La loi « Seul un oui est un oui » établit notamment l’obligation d’un consentement explicite, une mesure rare en Europe, destinée à renforcer la lutte contre le viol. Les victimes de violences sexuelles n’auront plus à démontrer qu’il y a eu violence ou qu’elles ont dû résister ou se défendre.
  • SUMAR – qui signifie Rassembler – est une coalition de gauche progressiste et sociale qui s’est formée pour les élections du 23 juillet 2023. Il s’agit de la plus grande coalition électorale de l’histoire de l’Espagne, rassemblant des partis politiques nationaux et régionaux, impulsée par Yolanda Diaz du Parti Communiste d’Espagne, 2e vice-présidente du gouvernement et Ministre du Travail et de l’Economie sociale.

Photo mise en avant : Meeting de la coalition de gauche SUMAR à Madrid le 16 juillet 2023 – AFP