Le Parti Travailliste n’est pas seulement aligné sur l’OTAN et ses alliés. Il s’agit d’une structure impérialiste qui s’est développée à l’époque de la croissance de l’empire britannique lorsque celui-ci semblait indestructible et source de progrès stables et infinis.
Grâce à son leadership acquis par manipulation, Keir Starmer impose au Parti Travailliste le rôle de partisan de l’armée bandériste en Ukraine et d’opposant à la direction russe de Poutine. En ce qui concerne le bombardement de Gaza, Starmer parle en impérialiste au nom du Parti Travailliste lorsqu’il appuie les bombardements israéliens et refuse toute idée de cessez-le-feu. Dans sa haine du Hamas, qu’il déclare ouvertement, il soutient l’idée de couper l’eau et l’électricité à tous les Palestiniens de Gaza. Et dès que Biden s’est déclaré en faveur du bombardement complet de la ville de Gaza, Starmer s’est tout de suite conformé à cette position.
Voilà 5 ans que le Parti Travailliste n’est plus autorisé à discuter de la question palestinienne et des fausses allégations d’antisémitisme au sein du parti. Après avoir banni du parti quatre organisations de gauche, la direction Starmer a continué à expulser les membres pour soutien à ces organisations interdites, quelquefois même à titre rétrospectif. Aujourd’hui, la direction Starmer envoie des directives aux organes locaux du parti pour les avertir que tout soutien au Hamas est potentiellement un acte terroriste. Toute résolution en provenance de la base qui soutiendrait la Palestine sera considérée antisémite, ses auteurs seront recherchés et passibles de sanctions disciplinaires. Les camarades de la base sont invités à signaler les malfaiteurs à la direction du parti, ainsi qu’au siège social du CST, une association dite caritative « qui protège les juifs de l’antisémitisme ».
Ceci est totalement contraire à l’opinion de la masse des électeurs travaillistes, des syndicalistes du parti et de la masse du peuple en général. Lorsque les grandes gares de Liverpool Street et de Waterloo ont été occupées récemment par des manifestants propalestiniens à Londres, les passagers venaient et rejoignaient leurs rangs. Si l’on ajoute les 300 000 manifestants à Londres le 28 octobre à ceux de Dublin et de Belfast, ainsi qu’à ceux des grandes villes d’Angleterre, d’Écosse et du Pays de Galles, la mobilisation dépassait largement le million. Dans tous ces endroits, l’écrasante majorité des manifestants est constituée de la classe ouvrière britannique et de ses alliés dans la petite bourgeoisie.
Le 28 octobre plus de 150 syndicalistes et activistes bloquaient l’entrée de Instro Precision Ltd. Cette entreprise qui se trouve à Sandwich dans le Kent forme partie de plusieurs autres similaires au Royaume Uni – Manchester, Oldham, Edinburgh, Reading, Shenstone et d’autres – qui ont fait l’objet de manifestations, d’occupations et autres actions directes pour dénoncer leur production d’armes utilisées par Israël en Palestine.
A Sandwich l’entreprise participe à la construction de moteurs de drones et de F35 qui pilonnent à mort les camps de réfugiés dans la Bande de Gaza. Non seulement plusieurs groupes propalestiniens étaient impliqués dans la protestation ce jour-là, mais beaucoup de syndicalistes venus d’autres parties du pays étaient présents également. En fait la manifestation du 28 octobre s’était déclarée publiquement comme une réponse à l’appel à la solidarité lancé récemment par les syndicats palestiniens eux-mêmes.
Si les directions syndicales britanniques ne sont pas les organisateurs de telles actions, elle ne s’y opposent pas non plus. Ces actions directes ont un grand écho dans la population outrée et en révolte contre la destruction génocidaire d’Israël en Palestine et surtout à Gaza. A Reading et Edinburgh les entreprises visées ont dû fermer leurs portes pour quelques heures en octobre, tandis que certains employés quittaient leur poste. Peut-être dû à son image ternie, le IO Offices à Manchester coupait officiellement ses relations de succursale de Elbit Systems. Cette compagnie avait fermé définitivement son HQ au centre de Londres en août 2021 suite aux actions répétées contre son bâtiment, pendant deux ans, avec des barbouillages réguliers « de sang » sur sa façade et plusieurs occupations intérieures réussies.
Répercussions dans le Parti Travailliste
Furieuse et indignée par l’action criminelle d’Israël à Gaza, la responsable BAME (Minorités ethniques) du Young Labour, Lulaba Khalid, a démissionné du parti. À Oxford, neuf conseillers municipaux ont quitté le parti pour refus de la ligne officielle du « droit d’Israël à se défendre ». Ils ont protesté en disant que dénoncer « la punition collective des Palestiniens » ne peut faire l’objet d’enquêtes disciplinaires. Avec ces 9 démissions à Oxford, le Parti Travailliste a perdu la majorité au Conseil municipal d’Oxford qu’il détenait depuis 2010.
24 conseillers musulmans ont désormais quitté le parti dans les quartiers de l’ouest de Londres, ainsi qu’en certains endroits de Manchester et d’Édimbourg. Dans la circonscription de Glasgow West Kelvin, neuf autres ont démissionné en raison de « l’étouffement du débat ». Désormais, les procédures bâillonnées pour leur remplacement promettent de soulever encore plus de controverses. 250 Conseillers municipaux travaillistes ont signé une lettre nationale appelant Starmer à soutenir un « cessez-le-feu » à Gaza, en ligne avec la résolution des Nations Unies. Après qu’Amnesty International ait supplié Starmer de le faire, il a commencé à parler de « pauses humanitaires » tout en rejetant fortement l’idée de cessez-le-feu. Sentant l’indignation qui l’entoure, il est revenu sur la décision de limoger la députée rebelle Apsana Begum pour avoir manifesté devant l’ambassade israélienne, et il a annulé la suspension d’Andy McDonald (député de Middlesbrough) pour sa référence au slogan « de la rivière à la mer »*, dite antisémite.
Starmer a expulsé ou repoussé quelque 200 000 corbynistes du parti dans l’espoir de se retrouver avec un parti soumis. Ce n’est évidemment pas le cas, et avec les élections qui auront lieu l’année prochaine il sent le besoin d’adoucir son discours. Lorsqu’il parle de « pauses humanitaires » et affirme qu’il n’a jamais souhaité Gaza sans eau et électricité, il court derrière l’électorat et le processus. Les sondages montrent que seuls 59 % des musulmans pourraient voter travailliste en 2024, contre 70 % à l’époque de Corbyn.
La politique des dirigeants russes en Ukraine, en Syrie, en Iran n’est peut-être pas révolutionnaire face a la nécessité de retourner à l’Union Soviétique, mais elle est révolutionnaire par rapport à ce que le capitalisme peut désormais accepter en matière de politique russe. Il en va de même pour la rébellion palestinienne, qui est révolutionnaire en comparaison avec ce qu’Israël, le Pentagone et l’OTAN peuvent désormais supporter au Moyen-Orient. Comme le disait notre camarade J. Posadas, c’est le processus mondial qui transforme la Grande-Bretagne et chambarde le Parti Travailliste.
Dégoûtés par la lâcheté méprisable de la direction de Starmer, beaucoup de camarades parlent de faire un autre parti de masse de la classe ouvrière dans le pays. Il se pourrait qu’entre maintenant et l’éclatement total de la guerre mondiale actuelle, il y ait encore le temps de le faire. Pour le moment, les grands syndicats britanniques, loin de se séparer du Parti Travailliste, se concentrent et obligent Starmer à accepter leurs victoires, comme celles gagnées récemment par les ouvriers des chemins de fer.
C’est la classe ouvrière qui a créé le Parti Travailliste et non l’inverse, contrairement à toutes les autres classes ouvrières dans le monde. Pour le moment, il semblerait préférable de proposer la formation de courants anti-guerre et antifascistes au sein du Parti Travailliste, des courants soucieux de soutenir la politique russe contre les bandéristes de l’armée d’Ukraine et de défendre les masses palestiniennes contre la politique nazie de l’armée israélienne.
Aujourd’hui, l’idée d’un nouveau parti de classe et de masses au Royaume Uni ne peut passer que par la défaite du nazisme qui s’exprime désormais internationalement à tous les niveaux de la classe capitaliste, et nationalement autour du gouvernement Sunak. C’est la bureaucratie syndicale qui empêche encore la pénétration de l’influence révolutionnaire du monde dans le Parti Travailliste.
Cette question ne sera pas réglée en créant un autre parti mais en créant des courants et des tendances favorables à la défaite, non seulement des employeurs et du gouvernement capitaliste, mais de leur alignement sur le fascisme dans le Parti Travailliste lui-même.
Posadists Today – 2.11.2023
* Un slogan très utilisé dans les manifestations en appui aux Palestiniens est « De la rivière à la mer, la Palestine sera libre ». Ceci est entendu par les autorités comme l’expression d’un désir d’annuler Israël, et extrêmement punissable. Cependant le ministre qui proposait une nouvelle loi pour bannir cette consigne a échoué dans sa tentative.
Photo : une des grandes mobilisations à Londres durant le mois d’octobre en défense de la Palestine