Malgré les coups portés par le gouvernement Macri, qui a imposé violemment sa réforme de la Sécurité sociale en décembre 2017, le peuple argentin ne se rend pas. Il est sur pied de lutte, il retourne dans les rues avec décision, entraînant de nouveaux segments de la société et réalisant l’union du mouvement syndical dans cette grande Marche historique du 21 Février et manifestant une résistance qui promet d’être irréversible pendant l’année 2018.
La manifestation de masse – 450.000 personnes – a marché dans la plus grande avenue de Buenos Aires, en défiant ainsi les medias hégémoniques qui, du journal Clarin aux TV avaient orchestré une campagne odieuse pour faire échouer la Marche et traité celle-ci de « manifestation de la mafia syndicale ». Résultat : un rejet massif et catégorique de la politique économique de Macri !
Au Brésil, le peuple a pris les carnavals comme moyen de s’exprimer contre le gouvernement Temer (voir l’article sur le Brésil dans ce blog), et criait : « Temer si tu mets Lula en prison, les favelas vont descendre de toutes les collines ». En Argentine, le peuple a pris les stades de football comme lieu de communication au monde : » Mauricio Macri, Fils de P… ». Ce n’est certes pas un mot d’ordre, mais c’est l’expression d’un état d’esprit général de mécontentement social.
Les agressions contre les conquêtes historiques des travailleurs argentins acquises sous le péronisme et le kirchnerisme, ont atteint des sommets : on a sous les yeux le cadre désolant d’un chômage massif, surtout chez les jeunes, les massacres des pensionnés, l’appauvrissement flagrant du peuple argentin au cours de ces deux dernières années. Des faits choquants se succèdent de jour en jour. Fermetures d’entreprises et de mines, licenciements de personnel médical au grand Hôpital Posadas, fermeture et abandon de dizaines d’écoles publiques dans la province de Buenos Aires. La fameuse promesse de Macri : « Pauvreté Zéro » s’est changée en « En finir avec les Pauvres ».
Dans ce climat, la bureaucratie syndicale de la CGT s’est rompue . Il ne reste pas beaucoup de choix : ou la CGT se régénère et ouvre la voie à de nouveaux dirigeants syndicaux, ou elle s’embarque dans le bateau du gouvernement (comme l’ont fait certains vieux dirigeants bureaucrates) pour couler avec lui.
Hugo Moyano, un vieux dirigeant bureaucrate du secteur des camionneurs, a commencé à être accusé de corruption par le gouvernement Macri, au moment où il a rompu avec ce dernier pour accompagner la cause des travailleurs. Son fils, Pablo Moyano, actuel dirigeant des camionneurs, se met à la tête des travailleurs de la base. C’est ainsi qu’ils se sont joints à la Marche 21F et se sont unis aux autres centrales syndicales (telles que la CTA, les enseignants). Un grand nombre de parlementaires, d’indépendants, de commerçants, de simples citoyens, se sont également joints à l’imposant bloc ouvrier syndical argentin.
La popularité de Macri n’a cessé de descendre dans les sondages depuis son imposition violente de la loi sur la sécurité sociale en décembre dernier. Et cette fois-ci il n’a pas réussi à faire passer la mobilisation du 21 février pour un acte de violence, une « défense d’une mafia syndicale ». Les dirigeants de cette mobilisation ont décidé de se réunir pour préparer un Plan de luttes dans les prochains jours, partant des assemblées et réunions dans les usines, les quartiers, les syndicats jusqu’à la décision d’une grève générale nationale pour empêcher la « réforme du Travail » et révoquer la « réforme de la sécurité sociale ».
Depuis le vote forcé de cette loi sur la sécurité sociale, la guerre médiatique n’a pas cessé, de même que les pressions sur les gouverneurs – y inclus ceux de la droite péroniste qui soutenaient Macri – et la Marche du 21F a apporté des éléments nouveaux, de nouvelles forces à l’opposition. La « Réforme du Travail » devra affronter un mouvement syndical qui se réunifie, qui ne se rend pas, et qui, au contraire, est en train de nettoyer une bonne partie de la bureaucratie syndicale et devient une force d’attraction pour des secteurs plus larges des classes moyennes et des petits entrepreneurs qui sont étouffés par l’invasion totale du capital financier et la destruction du pays. Ainsi se prépare un 2019 électoral pour ramener Cristina Kirchner au pouvoir et récupérer les conquêtes sociales, les droits humains et la dignité du peuple argentin.
De notre correspondant à Buenos Aires – 26.2.2018