Il nous a paru important de publier cet article paru dans Venezuela Infos, qui fait suite à la visite du Président de Bolivie Luis Arce à Caracas le 20 avril 2023, parce qu’il met en lumière le fait que la politique menée par Nicolas Maduro continue bien celle initiée par Hugo Chavez en faveur de la population et des services publics, dans un contexte de résistance face aux conditions très dures du blocus et de la guerre économique.
Dans divers secteurs de l’opposition vénézuélienne, dans les grands médias ou dans les habituels cercles « science-po-trotskistes » de la classe moyenne, circule une nouvelle antienne. La lente sortie du blocus occidental serait due au fait que Nicolas Maduro a fini par « embrasser le capitalisme » ou a « pris un tournant néolibéral ». Pour Alberto Barrera Tyszka, du New York Times (1), le néolibéralisme serait même le pan économique de la « dictature » de Maduro.
Les « preuves » varient : des images de quartiers huppés de Caracas où on trouve des boutiques ostentatoires, des restaurants et des casinos de luxe, aux offres d’emplois sur les plateformes numériques et à la circulation des dollars dans l’économie. Pour le « Parti communiste du Venezuela » (aujourd’hui dans l’opposition et qui s’allie ici ou là avec la droite), « les bas salaires, la réduction des dépenses publiques et les prétendues tentatives de privatisation encadrées dans la loi anti-blocus sont des expressions de ce néolibéralisme qui confirment l’éloignement de Maduro du chavisme ».
Pour qu’une politique économique soit néolibérale, certaines conditions doivent être remplies. L’une d’elles est la déréglementation de tout ce qui est possible en matière d’activité économique. Soit l’élimination de tous les facteurs de contrôle, de surveillance, de protection sociale ou de gestion de l’État sur les secteurs stratégiques, financiers et les services publics essentiels. Avec son cortège d’inégalités, de désespoir social et de répression, seuls les plus riches pouvant encore s’offrir des soins, une éducation, un logement ou des aliments de qualité. Comme exemple récent de thérapie de choc néolibérale, nous avons le gouvernement de Mauricio Macri en Argentine (2015-2019) ou bien sûr le « miracle chilien » de l’époque de Pinochet. Politiquement, le «laboratoire néolibéral» que dirigeait Macri en Argentine impliquait la montée des banquiers et des technocrates à des postes de pouvoir élevés, façonnant un gouvernement d’entreprise parsemé de PDG. Liée à ces « ajustements » néolibéraux, son administration a contracté une dette extraordinaire auprès du Fonds monétaire international (FMI) et de créanciers privés (fondos buitres), pour un total de plus de 250 milliards de dollars.
Or, pour l’analyste vénézuélien William Serafino (2), si Maduro était un néolibéral, non seulement la compagnie publique Petróleos de Venezuela, SA (PDVSA) mais aussi les nombreuses entreprises publiques comme le métro de Caracas, les entreprises d’électricité, de télécommunications ou d’approvisionnement en eau, pour ne citer que quelques exemples, seraient déjà entre les mains du secteur privé. Les politiques actuelles menées contre la corruption dans les sphères stratégiques de l’économie, la lente remise sur pied de l’appareil productif – qui entraîne un meilleur financement de l’État via les impôts aux grandes entreprises -, la reconstruction des services publics détériorés sous le blocus, les transferts de technologie non-états-unienne pour déjouer le blocus, politiques renforcées par le rebond du prix du pétrole et les alliances multipolaires, montrent l’absurdité de l’affirmation. Tout comme la remise récente par le gouvernement Maduro de 4 millions 500 mille logements publics aux secteurs populaires, les 13 millions d’hectares remis aux petits et moyens agriculteurs dans le cadre de la réforme agraire (programme initié par Hugo Chávez), le transfert de pouvoirs d’État, et l’aide économique et technique, aux autogouvernements populaires (communes, conseils communaux, etc..), le maintien de l’éducation supérieure gratuite, la reconstruction de la santé publique gratuite, ou encore le programme alimentaire massif anti-blocus pris en charge par les Comités Locaux d’approvisionnement et de Production (CLAP). Le prix des aliments subventionnés, distribués mensuellement à la population, produits à 95% au Venezuela, est écrasé : ils ne coûtent au citoyen que 5 % du prix du marché.
En réalité les politiques économiques du gouvernement bolivarien se déroulent dans un contexte de guerre économique sans pitié, qui a entraîné une réduction de 99% des recettes en devises pour l’État, une baisse de la production pétrolière, une fermeture au commerce extérieur, un affaiblissement de la monnaie et une fuite des capitaux. Puis vinrent l’hyperinflation, la rareté des biens et services, la fermeture des industries, la baisse des salaires, la détérioration de la qualité de vie et du bien-être des Vénézuéliens et finalement l’exode de dizaines de milliers d’entre eux. Une dévastation économique et sociale sans précédent de la part des États-Unis à laquelle, explique Nicolas Maduro, « nous devons répondre par une action stratégique souple, de défense et contre-attaque, pour éviter que le blocus ne continue à nuire à notre patrie (…) nous devons réagir avec audace et créativité, en nous adaptant, en assouplissant notre cadre juridique et administratif, en nous adaptant aux menaces permanentes de sanctions, aux circonstances complexes et changeantes« .
Joe Biden a récemment reconduit le décret Obama faisant du Venezuela « une menace extraordinaire et inhabituelle pour la sécurité des États-Unis » (sic), a réitéré qu’il n’assouplirait en rien le blocus et a même ajouté une sanction supplémentaire aux 768 existantes. Si Nicolas Maduro était devenu néolibéral, comment comprendre que le harcèlement impérial continue contre lui ?
La principale caractéristique de la politique du gouvernement Maduro face à une telle guerre économique est d’avoir, au contraire, résisté et rejeté les formules de privatisations, d’abandon de la population. Signe des temps, de nombreuses familles vénézuéliennes choisissent de rentrer au Venezuela, fuyant les effets sociaux du néo-libéralisme (le vrai) qui se fait de plus en plus écrasant en Europe ou dans d’autres pays du continent (Argentine, Chili, Pérou..). Le gouvernement bolivarien est le seul à avoir mis en place des vols gratuits pour ces citoyens, à bord de sa compagnie publique Conviasa (3). Mais l’agence Bloomberg a trouvé la vraie raison : « Si les migrants rentrent chez eux, c’est parce que Maduro est devenu capitaliste« …
Article publié par Venezuela Infos le 23 avril 2023
Photo 1re page : Réuni avec le président de Bolivie Luis Arce, le président du Venezuela Nicolas Maduro propose de faire des deux nations un pôle public industriel qui produira et garantira les engrais nécessaires aux paysan(ne)s d’Amérique latine et des Caraïbes
Notes
(1) « La hora cero de Venezuela« , https://www.nytimes.com/es/2017/07/21/espanol/opinion/la-hora-cero-de-venezuela.html
(2) « Maduro neoliberal ?« , du politologue vénézuélien William Serafino https://misionverdad.com/venezuela/maduro-neoliberal
(3) « Le Venezuela, seul en Amérique du Sud à créer un programme de rapatriement en pleine pandémie » https://venezuelainfos.wordpress.com/2020/10/05/le-venezuela-seul-en-amerique-latine-a-creer-un-programme-de-rapatriement-en-pleine-pandemie/
URL de cet article : https://venezuelainfos.wordpress.com/2023/04/21/nicolas-maduro-est-il-devenu-neo-liberal/