Nous retranscrivons ci-dessous un entretien effectué avec Jesus Rodriguez-Espinoza, rédacteur en chef de l’Orinoco Tribune basé à Caracas, qui a été publié le 27 janvier 2022 par le site partenaire Venezuela Infos. Cet entretien explique comment l’économie vénézuélienne voit enfin la lumière au bout du tunnel après des années de récession causée par les sanctions paralysantes des États-Unis. Les chiffres de la Commission économique des Nations Unies pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPAL) prévoient une croissance positive du PIB de 3 % en 2022, supérieure à la moyenne régionale de 2,1 %. C’est également la première année de croissance positive pour le Venezuela en sept ans. L’inflation mensuelle est également réduite à un seul chiffre, et ce depuis le dernier trimestre.
Qu’est-ce qui a provoqué ces évolutions positives pour l’économie vénézuélienne ?
À partir de 2018, le président Maduro a commencé à prendre des mesures concrètes, sans grand bruit, visant à lutter contre la terrible crise économique que nous connaissons depuis 2014. Depuis lors, notre PIB a chuté d’environ 75 %, une chute choquante, l’une des pires partout dans le monde depuis plusieurs décennies. La gravité de cette crise a mis en évidence la nécessité d’une reprise économique qui ne fait que commencer maintenant car en 2021 nous avons vu une croissance positive de 4 % annoncée par le président Maduro. En 2022, nous espérons voir la croissance de 3-5 %, et la CEPAL est d’accord, prévoyant le même niveau de croissance.
Ces améliorations sont très visibles au Venezuela et c’est grâce aux politiques mises en place par Maduro en 2018. La décision d’autoriser la circulation des devises étrangères a également été très sage et a permis aux gens de se protéger de l’inflation et donc de calmer la monnaie nationale.
Ces efforts pour reconstruire l’économie, dont nous voyons maintenant les fruits, ont été menés au milieu de l’un des pires cas d’agression étrangère contre notre pays, notamment le blocus économique imposé par les États-Unis et l’UE. Il est très impressionnant que Maduro ait commencé à redresser la situation économique dans le contexte de ces attaques étrangères constantes.
Je suis très critique à l’égard des premières années de Maduro au pouvoir, pendant lesquelles la politique économique de Maduro a été très erratique. Cette approche a commencé pendant les dernières années de Chavez, lorsque les choses sont devenues trop orthodoxes sur le plan idéologique, et je pense que cette approche a contribué à la crise. Cependant, Maduro a réalisé que les conseillers économiques de l’époque poussaient la politique dans la mauvaise direction, et donc en 2018 il se tourne vers une approche plus sérieuse.
Jusqu’en 2020, l’inflation mensuelle était à deux chiffres, mais au cours du dernier trimestre de 2021, l’inflation a chuté à environ 7 % de manière constante pendant toute cette période. Cela a-t-il aidé les Vénézuéliens au quotidien ?
Absolument, en décembre 2020, l’inflation mensuelle a atteint 77,5 %, mais en décembre 2021, elle est tombée à 7,6 %. Personne ne peut nier ces progrès, c’est une preuve tangible que des mesures positives ont été prises par le gouvernement du président Maduro. Formellement, le Venezuela ne souffre plus d’hyperinflation, nous avons quitté le cycle de l’hyperinflation que les économistes définissent comme 12 mois ou plus d’inflation mensuelle supérieure à 50 %. En décembre 2021, le Venezuela a enfin terminé une année entière au cours de laquelle l’inflation mensuelle n’a jamais atteint 50 %. Pour les habitants d’autres pays, nos chiffres semblent encore très élevés, et les médias nous attaquent encore. Cependant, ils ne connaissent pas le contexte qui est que la situation s’est grandement améliorée en 2021 par rapport à 2020 où l’inflation annuelle dépassait les 2000 %.
Le gouvernement du président Maduro est intervenu sur les marchés des devises pour s’assurer que l’inflation se situe dans une fourchette jugée appropriée par la Banque centrale. Le fait que de nombreuses personnes reçoivent maintenant leurs salaires en devises étrangères a également calmé la situation, car les gens ne se demandent pas quels seront les prix, car auparavant les prix pouvaient changer deux ou trois fois en une seule journée. La situation a atteint son paroxysme vers 2019, mais la situation s’est inversée et l’inflation diminue, ce qui signifie que les gens n’ont plus peur de détenir des bolivares à la banque. Nous avons vécu une période chaotique, mais les conditions à l’horizon 2022 sont très positives, ce n’est pas seulement la CEPAL qui le dit, mais aussi de nombreuses banques internationales ou des agences comme le Crédit Suisse ou EMFI Londres, dont certaines ont prévu une croissance allant jusqu’à 5-6 %.
Un autre aspect important est la hausse de la production pétrolière, un domaine qui a été durement touché par les sanctions contre la société d’État PDVSA. À la fin de 2021, le Venezuela avait atteint 1 million de barils par jour, soit plus du double de la même période l’année précédente. Cela s’explique par le fait que de multiples raffineries ont été réactivées après être tombées en désuétude parce que les sanctions ont empêché l’importation de pièces de rechange.
Cette augmentation de la capacité de production de l’économie a conduit de nombreuses personnes à demander que les salaires soient revus, en particulier ceux du secteur public qui sont très bas en raison de l’inflation. Les travailleurs du secteur privé sont payés dans un mélange de devises locales et étrangères, ce qui les a quelque peu protégés de l’inflation, mais les travailleurs du secteur public ont été durement touchés au fil des ans. Je pense que cette année, Maduro pourrait chercher à ajuster ces salaires pour aider les travailleurs. C’est quelque chose qui s’est déjà produit progressivement dans certaines parties du secteur public, par exemple les travailleurs du pétrole ont reçu des incitations financières pour continuer à travailler et augmenter la production. Il vient aussi d’annoncer un renforcement, une « salarisation » » des allocations mensuelles envoyées aux familles populaires via le Carnet de la Patrie. Maduro s’est montré très pragmatique sur cette question, malgré les critiques de l’ultragauche qui souhaite une augmentation immédiate des salaires sans tenir compte du contexte de l’agression américaine et de la nécessité d’augmenter la production de richesses pour protéger la monnaie de l’inflation et garantir le pouvoir d’achat. Il y a deux ans l’ultragauche annonçait la privatisation et la dollarisation de l’économie par le « social-démocrate » Maduro. Aujourd’hui non seulement le président bolivarien a créé une monnaie – le Petro – pour s’affranchir du dollar, mais il a lancé un vaste plan de reconstruction des services publics pour 2022.
Les investissements et la coopération avec la Chine et la Russie ont-ils été essentiels à la reconstruction de l’industrie pétrolière ?
Bien sûr, mais en ce qui concerne l’industrie pétrolière et PDVSA, l’Iran a été l’allié le plus important. La Russie a des projets et des investissements dans l’industrie pétrolière vénézuélienne et les accords que PDVSA a conclus avec des entreprises russes sont essentiels. Cependant, l’alliance avec l’Iran a été la plus significative. À certaines époques, le Venezuela ne produisait pratiquement pas de pétrole. Pendant cette période, notre diplomate Alex Saab, aujourd’hui kidnappé par le gouvernement états-unien, a négocié des accords avec l’Iran pour faire venir de la nourriture et des pétroliers avec du pétrole afin d’atténuer la crise et de donner au Venezuela l’espace nécessaire pour se reconstruire. Bien sûr, les États-Unis n’ont pas apprécié, car ils pensent que le monde leur appartient. Cette coopération avec l’Iran portait également sur des questions techniques, comme la réparation des raffineries, etc.
L’industrie pétrolière vénézuélienne s’est effondrée sous le poids des sanctions, en partie parce qu’elle avait été construite avec la technologie états-unienne et européenne. Ils avaient donc le pouvoir de nous empêcher de réparer l’infrastructure de PDVSA en bloquant les pièces de rechange par des sanctions. Le gouvernement a longtemps essayé de trouver une solution et maintenant l’infrastructure technologique des raffineries est enfin indépendante, adaptée à celle utilisée par nos alliés, et ce grâce à cette coopération internationale avec l’Iran et la Russie. La Chine nous a également aidés, mais d’une manière différente. Elle a acheté une grande partie de notre pétrole (le baril a augmenté de près de 100 % ces derniers mois, il est actuellement proche de 90 dollars) malgré les menaces des États-Unis qui ont essayé de couper le Venezuela de tous ses clients, par exemple en sanctionnant toute banque recevant les paiements et toute entreprise, en particulier maritime, qui convoierait le pétrole. Nous pouvons voir que ce triangle de solidarité entre l’Iran, la Russie et la Chine a aidé le Venezuela à reconstruire PDVSA.
Traduction Bernard Tornare
Photo : un atelier de l’usine textile « Abejitas del Panal », commune populaire à l’ouest de Caracas
Source en anglais : Kawsachun News
URL de cet article : https://venezuelainfos.wordpress.com/2022/01/27/pourquoi-la-croissance-economique-revient-au-venezuela/